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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/602

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que leur ignorance d’alors leur rendit un signalé service. Car pensant qu’il avait fait cela comme un rigide observateur de la loi, ils l’accueillirent de bon cœur et avec docilité lui et ses enseignements. Après l’avoir accueilli, ils se laissèrent instruire peu à peu et renoncèrent à leurs anciennes coutumes, ce qui ne serait pas arrivé si, dès le commencement, ils avaient su l’objet de sa démarche. Après l’avoir appris, ils se seraient détournés de lui, après s’être détournés de lui, ils ne l’auraient pas écouté, et s’ils ne l’avaient pas écouté, ils seraient restés dans leur ancienne erreur. C’est pour que cela n’eût pas lieu, qu’il leur cacha le motif de sa conduite. Voilà aussi pourquoi Paul, dans la circonstance présente, ne donne point la raison de sa conduite, mais il change de méthode et s’y prend autrement en parlant ainsi : « De ceux qui paraissaient les plus considérables (je ne m’arrête pas à ce qu’ils ont été « autrefois, Dieu n’a point égard à la qualité « des personnes) (6)… » Ici, non seulement il n’excuse pas les apôtres, mais encore il réserve le poids de sa parole pour les saints, afin d’être utile aux faibles. Voici le sens de ses paroles Quand même ceux-ci permettraient la circoncision, ils auraient à en rendre compte eux-mêmes à Dieu. Car Dieu ne les acceptera point parce qu’ils sont grands et qu’ils commandent aux autres. Cependant il ne s’exprime pas aussi clairement, il ménage ses expressions. Il n’a pas dit : Si ceux-ci troublent la prédication et prêchent autrement qu’il ne leur a été prescrit, ils encourront les condamnations les plus terribles et seront châtiés. Il se garde bien de s’exprimer ainsi, et s’il les prend à partie, c’est avec respect, en ces termes : « Quant à ceux qui paraissaient être les plus considérables (je ne m’arrête point à ce qu’ils étaient autrefois)… » Il n’a point dit : « Ce qu’ils sont », mais : « Ce qu’ils étaient », montrant par là qu’eux – mêmes avaient cessé désormais de prêcher dans ce sens, parce que la prédication évangélique avait triomphé partout. « Ce qu’ils étaient », c’est-à-dire, s’ils continuaient de prêcher dans ce sens, ils auraient à en rendre compte. Car ce n’est point devant les hommes, mais devant Dieu qu’ils doivent se justifier.
3. Il parlait ainsi, non pas qu’il eût des doutes, ou qu’il ignorât les intentions des apôtres, mais, comme je l’ai dit plus haut, il croyait utile d’employer cette tactique. Ensuite, afin de ne pas paraître les accuser parce qu’il avait adopté une marche contraire, et de ne pas être suspect d’animosité, il corrige aussitôt son expression et dit : « Ceux qui paraissaient être les plus considérables ne m’ont rien appris de nouveau ». Qu’est-ce à dire ? C’est-à-dire, ce que vous dites, vous, je l’ignore, mais ce que je sais bien, c’est qu’ils ne m’ont pas fait d’opposition, qu’ils ont été du même sentiment que moi, qu’ils ont été d’accord avec moi. Voilà ce que signifie cette parole : « Ils m’ont donné les mains », ils ne m’ont rien appris, ils n’ont rien corrigé à mon enseignement, ils n’y ont rien ajouté. « Les plus considérables » ne m’ont rien appris de nouveau. C’est-à-dire : ils connaissaient mes doctrines, et ils n’y ont rien ajouté, rien corrigé, et cela sachant que j’étais venu pour communiquer avec eux. J’étais venu suivant la révélation du Saint-Esprit, pour communiquer avec eux, et j’avais Tite avec moi quoiqu’il fût incirconcis ; ils ne me dirent rien de plus que ce que je savais, et n’exigèrent point que Tite se fît circoncire.
« Mais au contraire »… Qu’est-ce que cela, « Au contraire ? » D’après certaines personnes, Paul dit que non seulement il n’apprit rien des apôtres, mais que ce furent les apôtres qui apprirent quelque chose de lui : ce que, pour ma part, je ne saurais admettre. Qu’avaient-ils à apprendre encore de lui ? Chacun d’eux était parfaitement instruit. Ce n’est donc pas là ce qu’il veut dire quand il se sert de cette expression : « Au contraire » : il veut faire entendre que les apôtres, non seulement ne lui firent pas de reproches, mais qu’ils étaient si loin de le blâmer qu’ils lui donnèrent des éloges : car l’éloge est le contraire du blâme. Ensuite, comme il était naturel qu’on lui fit cette objection : S’ils vous donnaient des éloges, comment se fait-il donc qu’ils ne supprimèrent pas la circoncision ? Puisqu’ils vous donnaient des éloges, ils auraient dû la supprimer. De dire qu’ils la condamnaient, il trouvait que c’était trop hardi, et que ce serait se mettre en opposition avec ce dont ils étaient convenus. D’un autre côté, avouer que ce n’était qu’une tolérance, l’exposait nécessairement à une autre objection, et il le voyait bien. S’ils approuvaient votre enseignement, aurait-on pu lui dire, et s’ils toléraient en même temps la pratique de la circoncision, ils étaient en contradiction