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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/610

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de Dieu, qui m’a aimé, et qui s’est livré lui-même à la mort pour moi ».
Que fais-tu, ô Paul, tu t’appropries ce qui est notre héritage commun, tu ramènes à toi seul ce qui a eu lieu en faveur de la terre entière ? Car il n’a pas dit : « De Jésus qui nous aime », mais : « De Jésus qui m’a aimé ». L’évangéliste a dit : « Tellement Dieu a aimé le monde » (Jn. 3,16), et toi-même quand tu dis : « Lui qui a livré son propre Fils, et ne l’a pas épargné » (Rom. 8,32), tu sais bien que ce n’est point pour toi seul, mais pour tous, puisque tu fais remarquer ailleurs : « Qu’il agissait ainsi pour se faire un peuple particulièrement consacré à son service ». (Tit. 2,14) Pourquoi donc s’exprime-t-il ainsi dans ce passage ? C’est qu’il s’était représenté la déplorable condition de la nature humaine, l’ineffable bienveillance du Christ, et de quel abîme de maux il nous avait retirés, et de quels bienfaits il nous avait comblés, et que la vivacité de son émotion avait dû se reproduire dans son langage. Les prophètes aussi se sont en quelque sorte approprié plusieurs fois ce Dieu qui se donne également à tous, eux qui ont dit : « O Dieu, mon Dieu, dès le matin je m’éveille en songeant à toi ». (Ps. 62,1) Sans parler de cela, il nous prouve que chacun de nous doit être aussi reconnaissant envers le Christ, que s’il était venu pour lui seul. Même s’il se fût agi d’un seul homme, il n’aurait pas fait difficulté de se montrer aussi généreux, car il a pour chacun des hommes autant d’amour que pour la terre entière. Son sacrifice s’est accompli au profit de toute la nature, et il était assez efficace pour nous sauver tous, mais ceux-là seuls en ont le bénéfice qui croient en lui. Cependant il ne se laissa pas détourner de sa résolution par l’idée que tous ne viendraient pas à lui. De même que dans le festin de la parabole, qui avait été préparé pour tous, le Père de famille ne retira pas les mets qu’il avait fait servir parce que les invités n’avaient pas voulu venir, mais en invita d’autres, ainsi a fait Jésus-Christ. La brebis séparée des quatre-vingt-dix-neuf, était seule, et cependant il ne négligea pas de se mettre à sa recherche. C’est précisément à cela que Paul, dissertant sur le judaïsme, fait allusion : « Car enfin, si quelques-uns d’entre eux n’ont pas cru, leur infidélité anéantira-t-elle la fidélité de Dieu ? Non certes. Dieu est véritable, et tout homme est menteur ». (Rom. 3,3) Ainsi Jésus t’a tellement aimé, ô homme, qu’il s’est livré lui-même, et qu’il t’a conduit, quand tu n’avais aucun espoir de salut, au sein d’une vie si glorieuse et si belle, et toi, après de tels bienfaits, tu retournes à tes anciennes erreurs ?
Après avoir scrupuleusement employé tous les ressorts du raisonnement, il proclame désormais sa décision avec véhémence et dit « Je ne veux point rendre la grâce de Dieu inutile (21) ». Qu’ils écoutent donc ceux qui maintenant judaïsent et restent attachés à la loi. C’est à eux que cela s’adresse : « Car si la justification s’acquiert parla loi, Jésus-Christ sera donc mort en vain ». Quel péché plus grave pouvons-nous commettre ? Quoi de plus fort et de plus persuasif que ces paroles ? Si Jésus-Christ est mort, évidemment c’est parce que la loi était impuissante à nous justifier, et si la loi justifie, la mort de Jésus a été inutile. Et comment serait-il permis de supposer et de dire, qu’un événement si grand et si terrible, si fort au-dessus de l’intelligence humaine, qu’un mystère aussi ineffable, que les patriarches ont désiré avec tant d’impatience, que les prophètes ont annoncé, dont la vue faisait trembler les anges, que ce sacrifice regardé par le monde entier comme le comble de la miséricorde divine, se soit accompli inutilement et en pure perte ? C’est donc en réfléchissant à cette monstrueuse et absurde conséquence qu’un tel, qu’un si grand événement a pu avoir lieu en vain (car cela résultait de la conduite même que tenaient les Galates), c’est alors qu’il emploie à leur égard de dures paroles et qu’il dit :