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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/62

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Le Christ lui-même avait dit : « Le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ». (Jn. 15,15) Or de même que l’homme connaît ce qui est en lui, de même l’Esprit-Saint connaît les choses de Dieu, sans avoir besoin de les apprendre : autrement la comparaison ne se soutient plus. Ce qui montre encore l’autorité suprême et la puissance du Saint-Esprit, c’est qu’il agit selon sa volonté. C’est lui qui nous transforme, c’est lui qui nous empêche de nous conformer au siècle présent, c’est lui qui est l’auteur de cette nouvelle création : L’Écriture dit : « Nous avons été créés en Jésus-Christ ». (Eph. 2,10) Et elle dit aussi : « O Dieu, créez en moi un cœur nouveau, et mettez dans l’intime de mon âme un esprit droit ». (Ps. 50,12)
Voulez-vous mieux comprendre encore cette puissance de l’Esprit-Saint ? Voyez les merveilles opérées par les apôtres ! Songez à saint Paul, dont les vêtements taisaient des miracles, à saint Pierre dont l’ombre même avait tant d’efficacité ! S’ils n’eussent porté en eux-mêmes l’image du R. à leurs âmes n’eussent brillé d’un éclat incomparable, leurs vêtements et leurs ombres eussent-elles opéré ces prodiges ? Le vêtement royal suffit pour épouvanter les voleurs. Voulez-vous voir resplendir cette gloire même à travers le corps. « Contemplant le visage d’Étienne, ils le virent semblable à celui d’un ange ». (Act. 5,15) Et cependant qu’était-ce que cet éclat en comparaison de celui qui brillait au dedans du martyr ? Cette gloire dont resplendissait le visage de Moïse, elle entourait leurs âmes ; elle était donc bien plus précieuse. L’éclat du visage de Moïse frappait les sens ; la gloire des martyrs et des apôtres n’avait rien de matériel. Les corps enflammés en tombant sur d’autres corps leur communiquent leur propre éclat ; c’est ce qui arrive pour les fidèles. Aussi quittent-ils, pour ainsi dire, la terre, pour ne plus s’occuper que des choses célestes.
Hélas ! oui, oui, gémissons amèrement : élevés à une si éminente dignité, nous ne savons pas même ce que l’on nous dit à ce sujet, tant cet éclat passe vite, tant nous mettons d’empressement à courir après les biens sensibles. Cette splendeur mystérieuse et vénérable, elle dure en nous un jour ou deux, pour s’évanouir ensuite. Nous en chassons les rayons par la tempête des choses mondaines, par les épais nuages que nous amoncelons. Car les affaires de cette vie ressemblent à une tempête, si toutefois elles ne sont plus tristes qu’une tempête. Sans doute elles n’amènent ni le froid, ni la pluie, elles ne produisent ni boue ni limon ; mais que leurs conséquences sont plus terribles ! Elles aboutissent à l’enfer et aux maux de l’enfer. La violence du froid engourdit les membres, leur donne là mort ; ainsi la tempête des péchés refroidit les âmes, qui ne remplissent plus leurs fonctions, qui s’engourdissent pour ainsi dire dans la glace de la conscience tue mauvaise conscience est, pour l’âme ce qu’est le : froid pour le corps : elle fait frissonner l’âme de crainte. Rien de plus timide que l’homme attaché aux choses de la vie. Il ressemble à Caïn, qui sans cesse tremblait de frayeur. A quoi bon parler de la mort, de la perte des biens, des haines ; des pièges de la flatterie ? Il y a mille autres dangers qu’il redoute. Ses coffres regorgent d’or ; mais son âme craint sans cesse la pauvreté ; et c’est avec raison : Il s’attache à ce qui passe, à ce qui change, il y fixe, pour ainsi dire, son ancre ; quand même il ne fait pas naufrage lui-même, la vue du naufrage des autres suffit pour le tuer ; il est craintif, il est lâche. Et ce n’est pas seulement au milieu du danger qu’il fait preuve de lâcheté, mais en toute circonstance. Si l’avarice s’empare de son âme, il ne saura point la repousser avec une généreuse liberté ; mais il se fera l’esclave de cette passion tyrannique, comme s’il s’était vendu à elle. Qu’il voie une jeune fille, le voilà séduit aussitôt par la beauté de son visage, il la suit, comme un chien dévoré par la rage, tandis qu’il devrait faire tout le contraire.
6. Quand volis voyez une belle femme, cherchez non pas à satisfaire votre passion, mais à vous en délivrer : Et comment y parviendrai-je, dites-vous ? Car je ne suis pas libre d’aimer ou de ne pas aimer. Qui donc vous contraint à éprouver cet amour coupable ? Est-ce le démon ? Vous croyez que c’est le démon qui vous tend un piège. – Eh bien ! combattez, luttez contre votre passion. – Mais je ne puis, dites-vous. – Sachez donc tout de suite que votre lâcheté en est la cause, que dès le principe vous avez donné au démon entrée dans votre âme, et que maintenant, si vous le voulez, vous le repousserez aisément. Dites-moi, ceux qui commettent l’adultère, y sont-ils amenés par la violence dé leur amour, ou bien seulement par le désir de courir un danger ? Évidemment