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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/63

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c’est l’amour qui les entraîne. Est-ce un motif suffisant d’excuse ? Non, assurément. Pourquoi, parce qu’ils ont commis l’adultère par leur faute.
A quoi bon tous ces raisonnements, direz-vous ? Je sens bien que je voudrais me délivrer de cette passion, mais que je n’en ai point la force. Elle me poursuit sans cesse, elle m’accable, elle me tourmente. – Vous voulez, dites-vous, vous en délivrer. Mais, vous ne faites rien de ce qu’il faudrait. Vous ressemblez à un homme qui, brûlé par la fièvre, ne cesserait de boire de l’eau fraîche et dirait : que d’expédients j’imagine pour apaiser ma fièvre, et je n’en viens pas à bout ; je ne fais qu’en accroître la violence ! Et vous, ne ranimez-vous point sans cesse les flammes de votre passion, tout en vous imaginant faire usage de ce qui pourrait les éteindre ? – Oh ! non, dites-vous. – Eh, bien, je vous le demande, qu’avez-vous donc fait pour apaiser votre passion ? Comment en général se développe une passion ? Nous ne sommes pas tous, il est vrai, sujets aux mêmes faiblesses, et on trouverait bien plus d’esclaves de l’amour des richesses que l’on ne trouverait d’esclaves de la beauté des corps, mais le remède, que je propose peut convenir à tous, à ceux-ci comme à ceux-là. L’amour des uns n’est pas moins absurde que celui des autres ; mais l’amour qu’excite la beauté corporelle est plus vif, plus violent. Si nous triomphons de celui-ci, nul doute que nous ne triomphions de celui-là ; qui est plus faible.
Mais, direz-vous, si la passion de l’amour a plus de violence, comment se fait-il qu’elle ne s’empare point de tout le monde, et qu’un si grand nombre coure après les richesses avec une véritable fureur ? – C’est que cette passion des richesses semble moins dangereuse ; ensuite, si la passion de l’amour a plus de violence, elle s’éteint aussi plus vite. Si elle persistait, comme l’avarice, c’en serait fait de celui dont elle s’empare. Parlons donc de cet amour que fait naître la beauté corporelle, et voyons comment se développe cette coupable faiblesse. Nous saurons alors si nous sommes à coupables ou non ; si nous sommes coupables, ne négligeons rien pour triompher du mal ; il n’y a rien de notre faute, pourquoi nous tourmenter en vain ? Au lieu de blâmer les victimes de l’amour, pourquoi ne pas leur pardonner au contraire ? – Comment donc l’amour prend-il naissance dans une âme ? Ce qui le produit, dites-vous, c’est la beauté du visage : un beau visage, un visage plein d’agréments, porte à l’âme une profonde blessure. – Vaines paroles ! S’il suffisait de la beauté pour produire l’amour, cette jeune fille aurait tout le monde pour amants. Il n’en est pas ainsi, et c’est pourquoi il ne faut attribuer cette passion ni à la beauté ni à la nature, mais à l’immodestie des regards. Vous la contemplez avec admiration, vous soupirez après tant de charmes ; et le trait s’enfonce dans votre cœur. – Eh, dites-vous, comment voir une belle femme, sans se sentir épris d’admiration ? S’il ne dépend pas de nous d’admirer ou de ne pas admirer, nous ne sommes donc pas libres non plus de ne pas aimer.
Arrête, ô homme ! Pourquoi confondre ainsi toutes choses, pourquoi se jeter ainsi de tous côtés, sans vouloir découvrir la racine du mal ? Combien n’y en a-t-il pas qui admirent, qui louent, et qui cependant ne sont point les esclaves de cette passion de l’amour ? – Mais, diras-tu, est-il possible de ne pas aimer, quand on admire ? – Pas de trouble, je te prie, patience, et tu entendras Moïse qui admire le fils de. et qui dit : « Joseph était beau de visage ; et son aspect était plein de charmes ». (Gen. 39,6) Et bien ! tout en tenant ce langage, Moïse était-il épris d’amour pour Joseph ? Non certes. – C’est qu’il 'ne voyait pas, diras-tu, celui dont il faisait l’éloge mais ce sentiment de l’amour, nous l’éprouvons en entendant parler de la beauté corporelle comme en la voyant de nos yeux. – Mais je veux trancher la question : David n’était-il pas fort beau, n’avait-il pas les cheveux blonds et de très beaux yeux ? Et rien ne captive mieux que la beauté des yeux. Or, qui s’éprit d’amour pour lui ? personne. L’admiration n’entraîne donc point nécessairement l’amour. Que d’hommes ont eu des mères d’une beauté remarquable ! Et cependant les fils ont-ils brûlé d’amour pour leurs mères ? Loin de nous cette pensée. Ils admiraient sans doute cette beauté qu’ils avaient sous les yeux ; mais ils ne se laissaient pas aller à un amour honteux. – C’était, dis-tu, l’effet de la nature. – Et comment ? Parce que, ces femmes étaient leurs mères ? – Ne savez-vous pas que les Perses ont avec leurs mères, et cela librement, un commerce incestueux ; non pas seulement un ou deux de ce peuple, mais la nation tout