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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/631

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par le joug. Ensuite il nous montre de quelle manière nous devons nous y prendre pour qu’il en soit ainsi. Comment cela ? Assujettissez-vous les uns aux autres », dit-il, « par « une charité spirituelle ». Ici encore, il fait entendre que l’amour des querelles, la discorde, le désir de commander et l’outrecuidance ont été les causes de leur erreur : car le père de l’hérésie, c’est le désir de commander. En leur disant : « Assujettissez-vous les uns aux autres », il leur a fait voir que ce malheur est venu de l’orgueil et de l’outrecuidance ; aussi leur présente-t-il le remède qui convient le mieux. Comme ils n’étaient plus d’accord parce qu’ils voulaient dominer les uns les autres, il leur dit : « Assujettissez-vous les uns aux autres » ; c’est le moyen de retrouver le bon accord. Il n’indique pas nettement leur faute, mais il indique nettement le remède, afin que par lui ils comprennent ce qu’ils ont fait : c’est comme si, au lieu de dire à un débauché qu’il vit dans la débauche, on lui recommandait d’être toujours chaste. Celui qui aime son prochain, comme il le doit, ne refuse pas de s’assujettir à lui avec plus d’humilité que le plus humble esclave. De même que le feu, quand on l’approche de la cire, la ramollit facilement, de même l’ardeur de la charité dissout tout orgueil et toute arrogance plus rapidement que le feu. Aussi ne leur a-t-il pas dit simplement : « Aimez-vous les uns les autres », mais : « Assujettissez-vous les uns aux autres », montrant par là jusqu’où ils doivent pousser l’esprit de charité. Après les avoir débarrassés du joug de la loi, non pour donner libre carrière à leurs instincts de désordre, il met à la place un autre joug, celui de la charité, joug plus puissant, mais bien plus léger et bien plus doux que le premier. Ensuite il fait connaître les heureuses conséquences qui résultent de la pratique de cette vertu. « Car toute la loi est renfermée dans ce seul précepte : Vous aimerez votre prochain comme vous-même (14) ». (Mt. 22,39 ; Lev. 19,18) Comme ils ne cessaient de lui citer la loi : Si vous tenez tant à vous y conformer, leur dit-il, ne pratiquez pas la circoncision, car ce n’est point par la circoncision, mais par la charité qu’on s’y conforme. Voyez comme il n’oublie pas l’objet de sa principale préoccupation : il y revient sans cesse, même quand il traite une question de morale. – « Que si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde que vous ne vous consumiez les uns les autres (15) ». Il n’emploie pas le ton affirmatif, de peur de les indisposer, mais il sait bien que c’est ce qui est arrivé en réalité, quoiqu’il en parle d’un air de doute. Il n’a pas dit : Puisque vous vous mordez les uns les autres, ni prononcé le reste de la phrase avec ce ton d’affirmation. Il n’affirme pas non plus quand il dit : « Prenez garde que vous ne vous consumiez les uns les autres ». C’est la réflexion d’un homme qui a peur et qui n’est pas rassuré, mais non d’un homme qui prononce une condamnation. Il parle aussi avec une certaine emphase. Car il n’a pas dit seulement : « Vous vous mordez », ce qui est l’indice d’une grande colère ; mais il a ajouté : « Vous vous dévorez les uns les autres », ce qui est la preuve que la perversité s’était enracinée dans leur cœur. Celui qui mord satisfait un moment sa colère, mais celui qui dévore est arrivé aux dernières limites de la fureur et de la bestialité. Par ces expressions de « mordre » et de « dévorer », il ne fait pas allusion aux blessures du corps, mais à d’autres qui sont bien plus dangereuses ; car celles que reçoit la chair de l’homme sont moins cruelles que celles que son âme reçoit. Le dommage éprouvé par l’âme est d’autant plus grand qu’elle-même l’emporte davantage sur le corps. « Prenez garde, dit-il, que vous ne vous consumiez les uns les autres ». Comme c’est précisément à ce résultat de se consumer eux-mêmes, tout en cherchant à consumer les autres, qu’arrivent les hommes qui commettent des injustices et qui complotent contre leur prochain, il leur dit Prenez garde que le mal que vous voulez faire ne retombe sur vous-mêmes. La discorde et la guerre percent et détruisent, et ceux qui en sont l’objet, et ceux qui en sont les auteurs ; elles les rongent mieux que la teigne ne ronge les étoffes. « Je vous le dis donc : Marchez dans le chemin de l’Esprit, et vous n’accomplirez point les désirs de la chair (16) ».
5. Voici qu’il nous indique une autre route par laquelle il nous est facile d’arriver à la vertu, et qui nous mène heureusement aux résultats qu’il signale : une route qui livre passage à la charité, et qui des deux côtés est étroitement resserrée par la charité. Rien, en effet, rien ne nous donne l’esprit de charité, comme d’être animés du Saint-Esprit, et rien