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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/633

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l’autre, comme l’eau le feu, la lumière l’ombre. Mais si l’âme prend soin du corps, et s’occupe beaucoup de lui, et qu’elle supporte mille maux plutôt que de le laisser, et qu’elle résiste quand on veut l’en séparer ; si le corps lui prête son ministère, et lui procure une foule de connaissances, et s’il a été organisé de manière à exécuter toutes les actions qu’elle veut voir accomplies, comment pourraient-ils être contraires l’un à l’autre, se combattre l’un l’autre ? Je vois qu’en réalité loin d’être contraires, ils sont parfaitement d’accord et se protègent réciproquement. Ainsi donc ce n’est point à leur antagonisme qu’il fait allusion, mais à celui des bonnes et des mauvaises pensées. Vouloir et ne pas vouloir, est le propre de l’âme. C’est pourquoi il a dit Ces deux choses sont opposées entr’elles. Il veut que nous ne permettions pas à notre âme de suivre ses mauvais désirs. C’est un cri qu’il a poussé comme un pédagogue ou un professeur qui cherche à effrayer ses disciples. « Que si vous êtes poussés par l’Esprit, vous n’êtes point sous la loi (18) ».
6. Sur quoi appuie-t-il ce qu’il avance ? Sur un raisonnement clair et très-concluant. Celui qui possède l’Esprit, autant qu’il le doit, éteint, grâce à lui, tous ses mauvais désirs ; celui qui en est délivré, n’a pas besoin du secours de la loi, car il s’est élevé bien au-dessus des promesses qu’elle nous fait. En effet, celui qui ne se met pas en colère, en quoi a-t-il besoin de s’entendre citer cette formule : « Tu ne tueras point ! » Celui qui ne regarde pas avec des yeux impudiques, qu’a-t-il besoin qu’on lui recommande de ne pas commettre l’adultère ? Qui parle des fruits du vice à celui qui en a extirpé la racine de son cœur ? La racine du meurtre c’est la colère, et de l’adultère, c’est la vaine curiosité des yeux. C’est pour cela qu’il dit : « Si vous êtes poussés par l’Esprit, vous n’êtes point sous la loi ». Il me semble que dans ce passage il fait un grand et merveilleux éloge de la loi. Si la loi a suppléé l’Esprit, autant qu’il était en elle, avant la venue de l’Esprit, ce n’est certes pas une raison pour rester toujours sous sa férule. Alors il était naturel que nous fussions sous la loi, afin de châtier nos désirs par la crainte, puisque l’Esprit ne s’était pas encore manifesté : mais aujourd’hui, que nous avons reçu la grâce qui ne nous défend pas seulement d’écouter nos désirs, mais qui les arrête dans leur développement, et les fait servir à de plus nobles usages, quel besoin avons-nous de la loi ? Celui qui voit par lui-même quelle est la meilleure conduite à tenir, quel besoin a-t-il d’un pédagogue ? On se passe de – son professeur de littérature, quand on est devenu philosophe. Pourquoi donc vous ravaler vous-mêmes, vous qui vous êtes d’abord soumis à la direction de l’Esprit, et qui maintenant vous tenez accroupis sous le joug de la loi ?
« Or il est aisé de connaître les œuvres de la chair, qui sont la fornication, l’impureté, l’impudicité, la dissolution, l’idolâtrie, les empoisonnements, les inimitiés, les dissensions, les jalousies, les animosités, les querelles, les divisions, les hérésies, les envies, les meurtres, les ivrogneries, les débauches, et autres choses semblables, dont je vous déclare, comme je vous l’ai déjà dit, que ceux qui commettent ces crimes ne seront point héritiers du royaume de Dieu (19-21) ». Maintenant, vous qui accusiez votre chair, et qui pensiez qu’en parlant ainsi de la chair, Paul la considère comme notre adversaire, comme notre ennemie (supposons avec vous que l’adultère et la fornication soient du fait de la chair), dites-moi comment les inimitiés les dissensions, les jalousies, les animosités, les hérésies et les empoisonnements (car ces crimes sont le fait d’une âme corrompue, ainsi que les autres du reste), dites-moi comment la responsabilité en peut être attribuée à la chair ? Voyez-vous comme il veut parler ici non de la chair, mais de nos instincts bas et grossiers ? C’est pour cela qu’il fait entendre des paroles de menace : « Ceux qui commettent ces crimes ne seront point héritiers du royaume de Dieu ». Si ces crimes étaient le résultat d’une nature mauvaise et non d’une âme pervertie, ce n’est pas « Ceux qui commettent, mais ceux qui subissent ces crimes », qu’il eût dû dire. Pourquoi sont-ils exclus dit royaume céleste ? Les couronnes, pas plus que les châtiments, ne sont dus aux actes naturels, mais à ceux qui procèdent d’une mauvaise pensée. Voilà pourquoi Paul nous a jeté cette menace.
« Les fruits de l’Esprit, au contraire, sont la charité, la joie, la paix (22) ». Il n’a pas dit : Les œuvres, mais : « Les fruits de l’Esprit ». – L’âme est donc une chimère ? Il ne parle que de la chair et de l’Esprit ; où donc est l’âme ? Est-ce qu’il parle d’êtres sans âme ?