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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/637

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qui nourrissait de la manne les Juifs, tout ingrat qu’ils étaient, a-t-il réduit les apôtres à la position de gens qui demandent leur pain ? N’est-il pas évident qu’il a voulu par là donner l’essor à deux grandes vertu : l’humilité et la charité ? qu’il a voulu apprendre aux disciples à ne pas rougir de choses qui paraissent peu honorables ? Car demander l’aumône semble être une chose dont on doive rougir : mais ils n’avaient plus de pareilles idées quand ils voyaient leurs maîtres s’y résigner sans détour. De la sorte les disciples en retiraient ce grand avantage d’être élevés à mépriser toute vanité. C’est pourquoi Paul dit : « Que celui qu’on instruit dans les choses de la foi, assiste de ses biens en toute manière celui qui l’instruit ». C’est-à-dire, qu’il le fasse vivre dans l’abondance, car tel est le sens de ces paroles : « Qu’il l’assiste de ses biens en toute manière ». Que le disciple, dit-il, n’ait rien en propre et qu’il mette tous ses biens en commun. Car il reçoit plus qu’il ne donne : en effet, combien les trésors du ciel ne sont-ils pas supérieurs à ceux de la terre ? C’est ce que Paul faisait entendre ailleurs quand il disait « Si donc nous avons semé parmi vous des biens spirituels, est-ce une grande chose que nous recueillions un peu de vos biens « temporels ? » Voilà pourquoi il appelle cela une communauté, montrant que c’est un véritable échange. Par là notre charité devient plus ardente et plus solide. Si le maître ne demande que le nécessaire, il ne perd rien de sa dignité, même quand il reçoit. Car c’est même une chose honorable que d’être si absorbé par les soins de la prédication, qu’on soit réduit à avoir besoin des autres, à vivre dans une profonde pauvreté, et à mépriser tous les biens terrestres. S’il dépasse la mesure, il perd de sa dignité, non pas parce qu’il reçoit, mais parce qu’il reçoit trop : ensuite, pour que la perversité du maître ne ralentisse pas le zèle du disciple, et pour qu’il ne soit pas indifférent pour la pauvreté en songeant à ses mauvaises mœurs, Paul dit plus loin : « Ne nous lassons pas de faire le bien ». Ici il montre la différence qui existe entre la recherche des biens spirituels et celle des biens temporels, et il s’exprime en ces termes : « Ne vous y trompez pas, on ne se moque point de Dieu. L’homme ne recueillera que ce qu’il aura semé : car celui qui sème dans sa chair recueillera de la chair la corruption et la mort ; et celui qui sème dans l’Esprit, recueillera de l’Esprit la vie éternelle (7, 8) ».
De même qu’en fait de semences, on ne peut récolter de blé là où on a semé de l’orge, car il faut que la semence et la récolte soient de même espèce ; de même, quand il s’agit des œuvres, celui qui sème dans sa chair la mollesse, l’ivrognerie, les désirs déréglés, en récoltera les fruits. Or ces fruits, quels sont-ils ? Les châtiments, lis supplices, la boute, le ridicule, la corruption. Car les riches festins et les plaisirs ne produisent pas d’autre résultat que la corruption : eux-mêmes sont corrompus et corrompent le corps. Il n’en est pas de même des choses de l’Esprit, elles produisent même des résultats tout contraires. Voyez plutôt : Vous avez semé l’aumône ; les trésors du ciel et une gloire éternelle vous sont réservés : vous avez semé la chasteté, vous récolterez les honneurs, le prix du combat, les éloges des anges et la couronne décernée par le souverain Juge. – « Ne nous lassons donc point de faire le bien, puisque sans fatigue nous en recueillerons le fruit en son temps. C’est pourquoi, pendant que nous en avons le temps, faisons du bien à tous, mais principalement à ceux qu’une même foi a rendus comme nous domestiques du Seigneur (9, 10) ». Pour qu’on ne croie pas qu’ils doivent avoir soin de leurs maîtres, à l’exclusion des autres hommes, il élargit le cercle de ses recommandations, et il ouvre à tous les hommes l’accès de leur charité ; il va même jusqu’à leur dire d’être compatissants pour les Juifs et pour les gentils, tout en observant la gradation convenable, mais de leur être compatissants néanmoins. En quoi consiste cette gradation ? À montrer de l’affection aux fidèles surtout. Ce qu’il a coutume de faire dans ses autres épîtres, il le fait encore ici, il ne nous recommande pas seulement d’être compatissants, mais de l’être avec ardeur et avec constance. C’est à quoi il fait allusion quand il parle de semence, et qu’il nous exhorte à ne pas nous fatiguer de faire le bien. Ensuite, après avoir exigé beaucoup de nous, il dépose à notre porte le prix de la lutte, cette récolte extraordinaire et d’un nouveau genre qu’il vient de dépeindre.
3. Pour ne parler que du travail de la terre, ce n’est pas seulement celui qui sème, mais ainsi celui qui amasse la récolte, qui prend