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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/638

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beaucoup de peine, obligé qu’il est de lutter contre la chaleur, la poussière et toutes sortes de désagréments. Mais il n’y a plus rien de tout cela quand il s’agit dé la récolte spirituelle, dit-il. Et il le fait ressortir avec évidence : « Nous en recueillerons le fruit en son temps et sans éprouver de fatigue ». Par ces paroles il les exhorte et les entraîne : il revient encore à la charge d’un autre côté et les excite en disant : « C’est pourquoi pendant que nous en avons le temps faisons le bien ». Si nous ne sommes pas maîtres de semer toujours, nous ne le sommes pas non plus d’être toujours généreux envers les autres. Quand nous avons laissé échapper l’occasion, nous ne pouvons rien faire de plus, eussions-nous mille fois le désir de revenir sur ce qui s’est passé. Témoins les vierges de l’Évangile (Mt. 25) qui, malgré toute leur bonne volonté, se virent fermer la porte de l’Époux, parce qu’elles n’avaient pas emporté une aumône abondante. Témoin le riche qui avait méprisé Lazare, et qui, faute d’avoir mérité son appui, gémissait et suppliait sans parvenir à exciter la compassion d' Abraham et de personne autre, et restait perpétuellement étendu sur son gril sans obtenir aucun pardon (Lc. 16). Voilà pourquoi il dit : « Tant que nous en avons le temps faisons le bien » même « envers tous », et par là il préservait ses disciples d’une bassesse particulière aux Juifs. Ces hommes en effet, n’avaient de bonté que pour ceux de leur race : tandis que la doctrine de la grâce convie à la table de la charité et la terre et la mer, quoiqu’elle fasse cependant une distinction en faveur des fidèles.
« Voyez quelle lettre je vous ai écrite de ma propre main. Tous ceux qui mettent leur gloire en des cérémonies charnelles, vous obligent à vous faire circoncire (11, 12) ». Remarquez la douleur de cette âme bienheureuse. De même que ceux qui sont en proie à un vif chagrin, ou qui ont perdu quelqu’un des leurs, ou qui sont frappés d’un coup imprévu, n’ont de repos ni nuit ni jour par suite du chagrin qui obsède leur âme ; de même le bienheureux Paul, après avoir dit quelques mots au sujet de la morale, revient au sujet qu’il a traité d’abord et qui lui tient le plus à cœur : « Voyez quelle lettre je vous ai écrite de ma propre main ».
Par ces paroles il veut seulement leur faire comprendre qu’il a écrit lui-même la lettre entière. Ce qui est la marque d’une sincère affection. Quand il s’adressait à d’autres, il dictait et un autre écrivait : c’est ce qui ressort de son épître aux Romains, car à la fin de l’épître on lit : « Je vous salue, moi Tertius qui ai écrit l’épître ». Cette fois c’est Paul lui-même qui a tout écrit. Il était obligé de le faire, non pas seulement par affection pour les Galates, mais encore pour enlever tout prétexte aux mauvais soupçons. Comme on l’accusait de ne pas agir de la même manière que les autres apôtres, et qu’on prétendait qu’il prêchait réellement la circoncision tout en feignant de ne pas la prêcher, il se vit contraint d’écrire cette épître de sa propre main, et de la leur envoyer comme un témoignage écrit. Par cette expression « quelle lettre », il me semble qu’il n’a pas voulu indiquer la grandeur, mais la forme disgracieuse des caractères ; c’est presque comme s’il disait : J’écris très-mal, et cependant j’ai été forcé d’écrire de ma propre main, pour fermer la bouche aux sycophantes.
« Tous ceux qui mettent leur gloire en des cérémonies charnelles, ne vous obligent à vous faire circoncire qu’afin de n’être point eux-mêmes persécutés pour la croix de Jésus-Christ. Car ceux mêmes qui se font circoncire ne gardent point la loi, mais ils veulent que vous receviez la circoncision, afin qu’ils se glorifient en votre chair (13) ». Dans ce passage, il montre qu’ils ne supportent pas ce joug volontairement, mais qu’ils y sont contraints, leur donnant ainsi une occasion de se retirer, prenant presque leur défense, et les engageant à s’éloigner au plus vite. Quel est le sens de ces mots : « Qui mettent leur gloire en des cérémonies charnelles ? » Ils veulent acquérir de la réputation parmi les hommes, parce que les Juifs leur reprochaient d’avoir renoncé aux coutumes de leurs pères. Pour n’être plus exposés à ces reproches, dit-il, ils veulent vous nuire, pour se glorifier en votre chair auprès des autres Juifs. Il disait cela afin de montrer que ces hommes n’agissaient pas ainsi en vue de Dieu. C’est comme s’il disait : Ce n’est point la piété qui a fait agir ces hommes : tout ce qu’ils ont fait, ils l’ont fait par des motifs purement humains, pour plaire aux infidèles en mutilant les fidèles, et ils aiment mieux manquer à Dieu que de déplaire aux hommes.