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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/74

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reconnue ! – Et pourquoi, demandez-vous, Dieu ne punit-il pas dès ce monde ? C’est pour montrer sa générosité, pour nous laisser le temps du repentir qui doit nous sauver, pour ne pas causer la ruine du genre humain, pour ne point priver du bonheur éternel ceux qui, par un changement complet de vie peuvent encore opérer leur salut. S’il punissait aussitôt après le péché, s’il frappait de mort sur-le-champ, comment Paul eût-il été sauvé ? Comment Pierre, comment les apôtres, ces docteurs des nations eussent-ils été sauvés ? Comment David eût-il gagné le ciel par sa pénitence ? Et les Galates ? et tant d’autres ? Voilà pourquoi le Seigneur ne fait pas toujours éclater sa vengeance en cette vie. C’est le petit nombre seulement qu’il punit ici-bas. Tous ne sont point punis dans l’autre inonde : les uns reçoivent leur châtiment sur la terre, les autres après la mort. Il veut, par les châtiments qu’il inflige, dès cette vie, ranimer les plus opiniâtres ; en laissant les autres impunis, il veut fixer notre attention sur les châtiments de la vie future. D’ailleurs n’en voyez-vous pas un grand nombre punis même ici-bas ; ceux par exemple qu’une tour écrasa dans sa chuté, ceux dont le sang fut mêlé par Pilate au sang des victimes ; ces Corinthiens qui moururent avant le temps pour avoir profané les saints mystères, ce Pharaon, ces Juifs, massacrés par les barbares, une multitude d’autres alors, maintenant et toujours ? D’autres aussi, coupables des plus grands crimes, sont morts sans avoir été châtiés durant leur vie, comme ce riche du temps de Lazare, comme beaucoup d’autres encore.
4. Dieu agit de la sorte pour, exciter ceux qui ne croient pas à la vie future, pour rendre plus actifs ceux qui y croient et qui s’engourdissent. Dieu en effet est un juge plein de justice, de force et de générosité, et il ne fait pas chaque jour éclater sa colère ; mais si nous abusons de sa longanimité, le, temps viendra où elle ne se fera plus sentir même, un seul instant, où la justice se hâtera d’accourir. Ces délices d’un instant, (et cette vie n’est qu’un instant) que nous voulons goûter, prenons-y garde, nous vaudront, une éternité de supplices. Ah ! travaillons plutôt quelque temps, afin de mériter des couronnes immortelles. Eh ! dans les affairés de ce monde, ne voyez-vous pas la plupart des hommes entreprendre des travaux de peu de durée pour s’assurer un long repos ? Souvent il leur arrive tout le contraire de ce qu’ils espéraient, car ici-bas la peine et le gain sont équivalents ; souvent même la peine est immense et le résultat bien faible. Il en est tout autrement du rythme des cieux : la peine est peu de chose, et la joie qui en résulte est infinie. Examinez en effet : le laboureur travaille toute l’année, et à la fin il voit tomber toutes ses espérances. Le pilote et le soldat passent toute leur vie dans les guerres et dans les fatigues et que de fois l’un perd le produit de ses marchandises, et l’autre la vie dans son triomphe ! Sommes-nous excusables ; je vous le demande ? Voilà que dans les choses de la vie nous préférons le travail au repos, afin de nous préparer quelques jouissances, toujours bien minces, si encore nous les obtenons, (car elles sont incertaines) ; et quand il s’agit de la vie spirituelle, nous faisons tout le contraire, nous aimons mieux nous reposer lâchement et nous attirer ainsi des châtiments inexprimables.
Ah ! je vous en conjure, sortez enfin de cette torpeur ! Vous n’aurez, pour vous arracher à ces horribles supplices, ni frère, ni père, ni enfant, ni ami, ni voisin, ni personne. Si nos œuvres nous trahissent ; c’en est fait de nous, nous sommes perdus. Que de gémissements poussa le mauvais riche ! comme il supplia le patriarche de lui envoyer Lazare ! Mais entendez la réponse d’Abraham : « il y a un immense chaos entre vous et nous ; et quand même on le voudrait, on ne pourrait aller jusqu’à vous ». (Lc. 16,26) Que de prières les vierges folles n’adressèrent-elles pas à leurs compagnes, pour obtenir d’elles un peu d’huile ! Mais écoutez ce qu’on leur répond : « Peut-être notre huile ne suffirait-elle pas pour nous et pour vous ». (Mt. 25,9) Et personne ne put les introduire dans la chambre nuptiale. Pénétrons-nous bien de ces pensées ; et prenons soin de notre conduite. Imaginez – les travaux les plus pénibles, les tourments les plus épouvantables ! Qu’est-ce que cela en comparaison des biens futurs ? D’autre part, le feu, le fer, les bêtes féroces, les supplices les plus cruels ne sont pas même l’ombre des supplices de l’enfer. Malgré leur violence en effet, les premiers sont moins terribles parce, qu’ils ne durent qu’un instant : le corps ne peut résister longtemps, à une douleur excessive. Dans l’autre monde il en est tout autrement : la durée se trouve jointe à l’intensité, aussi bien dans la joie que dans la