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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/79

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ou corruptible soit absorbé par un corps in« corruptible » ; mais afin que « la corruption a soit absorbée par la vie ». C’est ce qui arrive, lorsque le même corps que nous avions reprend une vie nouvelle. Mais si nous ressuscitons avec un autre corps ; ce n’est plus la corruption qui est absorbée ; au contraire, elle demeure, elle triomphe. Or, ce n’est pas ce qui doit avoir lieu : il faut que ce qui est corruptible, c’est-à-dire le corps, revête l’immortalité. Le corps est au milieu : maintenant sujet à la corruption, plus tard il, doit ressusciter incorruptible. Il est d’abord corruptible : s’il était incorruptible, il ne pourrait être détruit : « La corruption », dit l’apôtre, « ne peut avoir a en partage l’incorruptibilité ». (1Cor. 15,50). Comment en effet cela serait-il possible ? Mais au contraire la corruption sera absorbée par la vie. La vie triomphe de la corruption, mais la corruption fie saurait triompher de la vie. De même que la cire fond devant le feu et non point le feu devant la cire ; de même la corruption est consumée par l’immortalité et disparaît ; mais elle ne saurait elle-même triompher de l’immortalité.
Prêtons donc l’oreille à la voix de l’apôtre qui nous dit : « Il nous faudra paraître devant le tribunal du Christ » ; représentons-nous ce tribunal, supposons qu’il est déjà dresse et qu’on nous demande compté de nos actions : Mais je veux moi-même entrer dans quelques détails. Saint Paul venait de parler de tribulations, et il ne voulait pas contrister encore les Corinthiens. C’est pourquoi il n’insiste pas sur le jugement dernier, et se contente de ces quelques mots : « Chacun rendra compte de ses actions ». Puis il passe à une autre pensée. Supposons donc que ce dernier jour est arrivé. Examinons notre conscience, songeons que nous sommes aux pieds de notre juge, que toutes nos actions sont dévoilées et produites au grand jour. Car non seulement nous comparaîtrons, mais encore notre âme sera mise à découvert. Vous rougissez, vous êtes hors de vous-mêmes ! Cependant ce n’est là qu’une supposition, qu’une fiction de notre esprit ; et la vue de notre conscience nous effraie. Que ferons-nous donc, quand ce jour arrivera, quand tout l’univers sera rassemblé, quand nous apercevrons les anges et les archanges, quand nous serons témoins de cet immense concours, quand nous verrons les saints emportés sur les nuages, quand nous aurons devant nous cette multitude saisie de terreur, quand nous entendrons le son bruyant des trompettes, et ces cris sans cesse répétés ? N’y eût-il point d’enfer, quel affreux supplice déjà quo de se voir repoussé avec tant d’éclat, et de se retirer couvert de confusion ! Quand l’empereur entre dans une ville, nous sentons même notre misère, et le spectacle que nous avons sous les yeux nous cause moins de joie que nous n’éprouvons de chagrin, de ne pas avoir part à tant de magnificence et de ne pas approcher du souverain. Que sera-ce donc au jour du jugement ? Quel supplice de n’être pas admis dans le chœur des bienheureux, de ne point partager cette gloire ineffable, d’être repoussé bien loin de cette brillante assemblée, de ces biens que nul langage ne saurait exprimer ! Mais songea ensuite à ces ténèbres, à ce grincement de dents, à ces chaînes indissolubles, à ce ver qui ne meurt point, à ce feu qui ne s’éteindra point ; à ces horribles souffrances, à ces angoissés, à ce feu qui dévore la langue, comme il dévorait celle du mauvais riche ; à ces hurlements, que personne n’entend, à ces cris de désespoir, à ces rugissements, arrachés par la douleur, sans que personne y prenne garde, sans que personne ne vienne nous soulager que dire de pareilles tortures ? Quoi de plus malheureux que les âmes des damnés ? Y a-t-il spectacle plus lamentable ?
4. Si nous entrons dans une prison, la vue de ces prisonniers presque nus, chargés de chaînes, épuisés de faim, plongés dans de ténébreux cachots, nous trouble jusqu’au fond de l’âme et nous glace d’horreur : il n’est rien que nous n’endurions plutôt que de tomber dans ces affreuses demeures. Ah ! quand nous nous sentirons traînés vers ces supplices de l’enfer ; quelle situation plus affreuse encore ! Là nous serons enchaînés non point avec des chaînes de fer ; mais avec les chaînes d’un feu qui né s’éteindra jamais. Nous aurons pour bourreaux non point des hommes comme nous qui se laissent parfois apaiser, mais les anges, que nous n’oserons même regarder, tant ils sont irrités contre nous par nos fautes d’autrefois. Là, personne ne viendra, comme il se pratique ici-bas, nous apporter ou de l’argent, ou de la nourriture, ou des consolations. En enfer plus de pardon à espérer. Noé, Job, Daniel verraient leurs proches plongés dans ces supplices, qu’ils n’oseraient leur porter secours. Cette pitié que donne la nature,