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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/80

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elle est éteinte après cette vie. Un père vertueux peut avoir un fils dans l’enfer, et réciproquement. Leur joie doit être sans aucun mélange de tristesse, et au sein du bonheur éternel, elle ne doit pas être troublée par un sentiment de pitié. C’est pourquoi j’affirme que cette pitié naturelle s’éteint en eux et qu’ils s’indignent avec le Seigneur contre leurs propres enfants. Ne voit-on pas les hommes renier ceux de leurs fils qui se conduisent mal et les retrancher de leur famille ? À plus forte raison les justes agiront-ils de la sorte. Ne vous promettez donc aucun bonheur, si vous n’avez fait le bien, eussiez-vous mille ancêtres au nombre des saints. « Chacun recevra selon ses œuvres personnelles, selon les actes de sa vie corporelle ». N’est-ce pas le fornicateur que l’apôtre a en vue, et qu’il veut effrayer par les menaces des éternels supplices ? ou plutôt n’a-t-il pas en vue tons les pécheurs quels qu’ils soient ?
Donc nous aussi prêtons l’oreille à ses paroles. Si le feu de la passion vous dévore, opposez-lui ces feux éternels ; et, le feu de la passion finira par s’éteindre. Si vous songez à prononcer quelque parole inconvenante, songez au grincement de dents ; et la crainte mettra un frein à votre bouche. Voulez-vous prendre le bien d’autrui, écoutez la terrible sentence du Juge suprême : « Liez-lui les mains et pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures » ; et vous bannirez le désir des richesses. Vous vous enivrez, vous ne pouvez vaincre cet odieux penchant, écoutez le riche disant à Abraham : « Envoie Lazare, afin qu’avec l’extrémité de son doigt il rafraîchisse ma langue dévorée par l’ardeur des flammes », (Mt. 22,13), sans qu’il puisse rien obtenir ; et votre penchant cédera. C’est l’amour du plaisir qui vous captive, songez aux souffrances, aux angoisses de l’enfer et vous ne songerez plus aux délices d’ici-bas. Si vous êtes implacable et cruel, rappelez-vous ces vierges folles, qui pour avoir laissé éteindre leurs lampes, furent privées de recevoir l’époux ; et vous deviendrez bientôt miséricordieux-. Vous êtes paresseux et lâche ? Rappelez-vous cet homme qui cache son talent ; et vous serez plus actif que le feu lui-même.
Mais c’est la soif du bien d’autrui qui vous dévore ? Songez à ce ver qui ne meurt point ; vous guérirez vite de cette maladie et vous accomplirez aisément toute la loi de Dieu. Car elle ne nous impose rien de pénible ni d’insupportable. Comment se fait-il donc que les préceptes du Seigneur nous paraissent si lourds ? Notre indolence en est la cause. Ayons un peu d’ardeur, et, ils nous deviendront légers et faciles. Mais si nous sommes lâches, ces préceptes si légers nous paraîtront difficiles à accomplir.
Pleins de ces pensées, songeons non pas aux délices que l’on peut goûter ici-bas, mais à leurs affreuses conséquences. Dans ce monde tout est corruption, tout est charnel ; après la mort ceux qui s’abandonnent au plaisir seront dévorés par le ver qui ne meurt point et par le feu qui ne s’éteint point ; ne songeons pas aux richesses que procure le vol ; songeons aux maux qu’elles engendrent ici-bas les craintes ; et les angoisses dans l’enfer des chaînes indissolubles ; ne songeons pas à la gloire ; mais à ses suites funestes : ici-bas c’est l’esclavage ; c’est la dissimulation ; dans l’autre vie ce sont d’insupportables supplices, les tourments que cause une flamme dévorante. Répétons-nous sans cesse à nous-mêmes ces salutaires paroles, opposons-les à la voix de nos passions, nous apaiserons bien vite la soif des biens de ce monde, nous allumerons promptement dans nos cœurs l’amour des biens à venir. Ah ! cet amour, qu’il s’allume, qu’il s’enflamme ! La pensée toute seule de ce bonheur, si faible qu’elle soit, ne nous remplit-elle pas de joie ? Quel charme n’éprouverons-nous donc pas, lorsque nous le goûterons réellement ? Heureux, mille fois heureux ceux qui, l’obtiendront ; malheureux au contraire, mille fois malheureux, ceux qui endureront les tourments de, l’enfer. Soyons, du nombre des premiers, et non peint parmi les derniers, et pour cela pratiquons la vertu. C’est ainsi que nous parviendrons au bonheur éternel. Puissions-nous tous en jouir par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ à qui gloire, puissance, honneur, avec le Père et l’Esprit-Saint, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.