Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les avoir irrités et outragés ? Qui pourrait en douter ? Celui qui aime Jésus-Christ, comme il convient, comprend ce que je dis ; et quand même Dieu le laisserait en repos, lui, il ne supporterait point de n’être pas puni. Le plus grand supplice que vous puissiez endurer, c’est d’avoir irrité le Seigneur. Je sais bien que ce langage vous étonne ; cependant je ne dis rien d’exagéré.
Si donc nous aimons vraiment Jésus-Christ, nous nous punirons nous-mêmes de nos fautes. Ce qu’il y a de pénible pour un homme, ce n’est point de souffrir après avoir offensé son ami, mais bien d’avoir irrité celui qu’il aimait. Et si cet ami ne se venge point de l’injure qu’il a reçue, le coupable n’en est que plus tourmenté ; il n’éprouve du soulagement qu’après avoir été offensé à son tour. Ne craignons donc pas tant les feux de l’enfer ; craignons plutôt d’offenser Dieu. Quoi de plus affreux pour nous que de voir le Seigneur détourner de nous son visage irrité ? C’est assurément le plus terrible de tous les supplices. Un exemple vous fera mieux comprendre ma pensée. Un roi vit un criminel que l’on menait au supplice ; il livra son propre fils pour être immolé à la place du coupable ; non content d’envoyer son fils à la mort, il transporta sur cette victime innocente le crime lui-même, afin de sauver le coupable, de l’arracher à l’infamie ; bien plus, il l’éleva à une haute dignité. Or, après avoir été sauvé, de la sorte, après s être vu combler d’honneurs, le misérable outragea son bienfaiteur. Eh bien, je vous le demande, si cet homme a encore sa raison ; n’aimera-t-il pas mieux mourir mille fois, plutôt que de rester sous le poids d’une pareille ingratitude ? Telle est précisément la question pour nous-mêmes. Nous avons outragé notre bienfaiteur ; poussons d’amers gémissements. Et sous prétexte qu’il se montre plein de patience ; n’allons pas nous rassurer ; au contraire, que cette patience accroisse notre douleur. Qu’on vous frappe sur la joue gauche, et qu’ensuite vous présentiez la droite, ne vous vengez-vous pas mieux de la sorte qu’en accablant votre ennemi ? Quand on vous lance des paroles outrageantes, est-ce en rendant outrages pour outrages que vous blesserez le plus vivement votre ennemi ? Non, mais bien en gardant le silence, ou en lui souhaitant toutes sortes de biens. Si donc la patience de ceux que nous outrageons nous couvre de confusion, combien n’est-elle pas plus à craindre la patience du Seigneur pour ceux qui ne cessent point de pécher et qui ne reçoivent aucun châtiment. Ah ! c’est sur leur tête que s’amoncellent d’incompréhensibles tourments. Songeons-y et ne craignons rien tant que le péché ; le péché c’est notre supplice, c’est l’enfer ; c’est la réunion de toits les maux. Ne nous bornons pas à le craindre, mais encore fuyons-le et efforçons-nous de plaire au Seigneur : car c’est là notre royaume, c’est là notre vie, c’est la réunion de tous les biens. Ainsi dès ici-bas nous posséderons le royaume des cieux et les biens de la vie future. Puissions-nous tous y arriver par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel soit au Père et au Saint-Esprit gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. – Ainsi soit-il.