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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/91

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Dieu permet ces souffrances, il ajoute : « Comme châtiés ; mais non jusqu’à être tués ». Ainsi donc les afflictions offrent de grands avantages même avant la récompense, et les ennemis deviennent utiles, même malgré eux. « Comme si nous étions tristes, et en réalité « nous sommes dans la joie… (10)». Les païens nous croient plongés dans la tristesse, mais peu nous importent leurs imaginations ; notre âme goûte une joie délicieuse. Remarquez que saint Paul ne dit pas seulement : nous sommes dans la joie, mais il ajoute : « toujours. Nous sommes toujours dans la joie », dit-il. Y a-t-il rien de comparable à cette vie, où les périls mêmes ne font que redoubler la joie ? « Comme pauvres, et nous enrichissons un grand nombre d’hommes ». Selon plusieurs, il s’agirait ici des richesses spirituelles ; pour moi, je crois qu’il est question même des richesses temporelles. Car ces richesses mêmes leur arrivaient en abondance ; toutes les maisons, par une sorte de prodige, leur étaient ouvertes. Et ce qu’il dit ensuite ne le prouve-t-il pas ? « Comme n’ayant rien, et nous possédons tout ».
Et comment cela se peut-il faire ? Direz-vous. – Mais, vous répondrai-je, c’est le contraire, qui est impossible. Celui qui possède beaucoup de choses, n’a rien ; et celui qui n’a rien, possède tout. Cela ne se voit pas seulement en cette circonstance ; mais c’est en toutes choses que les contraires naissent des contraires. Vous vous étonnez, vous demandez comment il se fait qu’on manque de font et qu’on possède tout : Eh bien ! je vous montre saint Paul qui commandait à l’univers, qui avait – en son pouvoir non seulement l’argent mais les yeux des fidèles. « S’il eût été possible, vous vous fussiez arraché les yeux pour me les donner ». (Gal. 4,14) Ne nous troublons donc point des opinions de la foule. On nous traite d’imposteurs, on nous méconnaît, on nous croit condamnés, plongés dans le chagrin, accablés par le besoin, la pauvreté, la tristesse, quand au contraire nous sommes dans, la joie. Eh ! les aveugles peuvent-ils contempler l’éclat du soleil, et les insensés peuvent-ils goûter les plaisirs de la sagesse ? Il n’y a de justes appréciateurs que les hommes pieux : ils s’affligent et se réjouissent autrement que les autres. Qu’un spectateur ; peu familiarisé avec les jeux du stade, voie un athlète couvert de blessures et le front ceint d’une couronne, il s’imaginera qu’il souffre beaucoup de ses blessures, parce qu’il ignore la joie que cause une couronne. De même on est témoin de nos afflictions, sans savoir pourquoi nous souffrons ; il n’est pas étonnant qu’on n’aperçoive que les afflictions : c’est la lutte, c’est le péril qui frappe les regards ; on n’aperçoit point le mobile de ces combats si c’est-à-dire les récompenses et les couronnes.
Quelles étaient donc ces richesses que possédait l’apôtre, quand il disait : « Comme n’ayant rien et nous possédons tout ? » C’était à la fois les richesses temporelles et les richesses spirituelles. Cet homme que les cités recevaient comme un ange, auquel les fidèles eussent donné leurs yeux, pour qui ils étaient tout disposés à sacrifier leur vie, ne possédait-il pas tous leurs biens ? S’agit-il des richesses spirituelles ? Il n’en est point qu’il ne possède. Admis dans l’intimité du Roi des cieux, il était le confident de ses secrets ; pouvait-il donc ne point surpasser tous les autres en richesses surnaturelles, pouvait-il ne point les posséder toutes ? Autrement les démons ne lui eussent point si facilement cédé ; il n’aurait pu mettre en fuite les douleurs et les maladies. Nous aussi, quand nous souffrons pour le Christ, montrons-nous, non seulement courageux, mais pleins de joie. Si nous jeûnons, tressaillons, comme si le jeûne était un plaisir. Si l’on nous outrage, formons des chœurs, comme si l’on nous comblait d’éloges. Si nous dépensons nos richesses, croyons que nous en amassons de nouvelles. Si vous n’êtes dans cette disposition, vous ne donnerez pas facilement. Voulez-vous donc faire des largesses ? Ne considérez pas seulement la dépense que vous faites, songez au gain qui vous en revient ; que ce soit là votre première pensée.
Ce n’est pas seulement pour l’aumône, mais pour toute espèce de vertus, qu’il faut envisager non point l’âpreté des fatigues, mais la suavité des récompenses, qu’il faut se mettre sous les yeux Jésus-Christ pour qui nous combattons. Ainsi vous engagerez la lutte avec ardeur, et votre vie se passera tout entière dans la joie. Rien ne donne plus de plaisir qu’une bonne conscience. Paul, malgré tant d’afflictions, se réjouissait et tressaillait d’allégresse. De nos jours au contraire une ombre de souffrance suffit pour jeter dans la tristesse, et cela, parce qu’on manque de sagesse. Dites-moi, je vous prie, quelle est la cause de vos