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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/90

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voir joyeux au milieu de ces épreuves ; il nous le dit dans ces paroles : « Par les armes de la justice, à droite et à gauche » ; quelle présence d’esprit, quelle fermeté de sentiment ! Les afflictions sont pour lui des armes, elles ne le renversent pas, elles le protègent, elles le fortifient. – Par ce qui est à gauche, il entend les chagrins apparents, car ces sortes de peines nous méritent aussi une récompense. Pourquoi leur donne-t-il ce nom ? C’est pour se conformer à l’opinion du vulgaire, ou bien parce que Dieu nous a ordonné de prier pour que nous n’entrions pas en tentation.
« Par la gloire et l’ignominie, par l’infamie et la bonne renommée ». Que dites-vous ? Quel mérite y a-t-il donc à être glorifié ? Un très-grand mérite, reprend l’apôtre. – Et comment donc ? – C’est une grande chose assurément que de supporter l’ignominie ; mais vivre entouré de gloire, n’est-il pas besoin pour cela d’une âme énergique ? Oui, il faut beaucoup d’énergie pour ne pas se laisser accabler par la gloire. Et c’est pourquoi l’apôtre se glorifie de sa gloire comme de son ignominie : car l’une et l’autre sont pour lui une occasion de mérite. – Mais comment la gloire peut-elle être une arme de justice ? C’est qu’un grand nombre conçoivent des sentiments de piété, quand ils voient leurs maîtres comblés d’honneurs : ces honneurs sont une preuve de leurs bonnes œuvres, et Dieu se trouve par là glorifié. C’était aussi le dessein de Dieu d’ouvrir la porte à la prédication de l’Évangile par des moyens opposés. Voyez en effet, Paul était-il chargé de chaînes ? Cette captivité tournait au profit de l’Évangile. « Ces chaînes que je porte, contribuent au progrès de l’Évangile ; plusieurs de mes frères, pleins de confiance dans mes liens ; osent maintenant annoncer la parole de Dieu sans aucune crainte ». (Phil. 1,12-14) Était-il entouré d’honneurs ? Cette circonstance donnait encore aux fidèles une nouvelle assurance. – « Par l’infamie » et « la bonne renommée ». Ce n’étaient pas seulement les afflictions corporelles qu’il endurait avec patience, ce n’étaient pas seulement les maux qu’il a énumérés ; mais aussi ces douleurs qui ne se font sentir qu’à l’âme, et qui causent d’ordinaire des troubles qui ne sont pas médiocres.
Jérémie, après avoir souffert de nombreuses afflictions, se sentait accablé, et quand on l’avait accablé d’injures, il disait : « Non, je ne prophétiserai point, je ne parlerai plus au nom du Seigneur ». (Jer. 20,9) David, lui aussi, se lamente au sujet des outrages qu’il reçoit. Is. après beaucoup d’autres conseils, donne celui-ci : « Ne craignez point les injures des hommes, et ne redoutez point leur mépris ». (Is. 51,7) Et le Christ disait à ses disciples : « Quand on vous accablera de calomnies, réjouissez-vous et tressaillez d’allégresse : car votre récompense est abondante dans les cieux. ». (Mt. 5,11, 12) Ailleurs il dit encore. « Tressaillez d’allégresse ». (Lc. 6,23) Eût-il promis de si belles récompenses, si l’épreuve n’eût été terrible ? Dans les tourments le corps partage les douleurs avec l’âme : cette douleur affecte également l’âme et le corps ; mais par les outrages c’est l’âme seule qui est affligée. Que d’âmes ils ont accablées et perdues ! Job lui-même ne trouvait-il pas moins pénibles les vers et les ulcères que les outrages dont ses amis l’accablaient ? Non, pour ceux qui souffrent, il n’est rien de plus insupportable que des paroles blessantes. Et voilà pourquoi à côté des dangers et des fatigues, l’apôtre nomme aussi la gloire et l’ignominie. Que de Juifs refusèrent de croire en Jésus-Christ, de peur de perdre cette gloire dont la multitude les entourait. Ce qu’ils redoutaient, ce n’était point d’être châtiés, mais d’être chassés de la synagogue. C’est pourquoi le Christ disait : « Comment pourriez-vous croire, vous qui recevez de la gloire les uns des autres ? » (Jn. 5,4) On en voit un grand nombre qui, après avoir triomphé des dangers les plus terribles, se laissent vaincre par le, désir de la gloire. – « Comme séducteurs et comme véridiques ». Ces paroles expriment la même pensée que celles-ci : « Par l’infamie et la bonne renommée. – Comme ceux qui sont inconnus, et comme ceux qui sont connus », est la même chose que : « Par la gloire et l’ignominie ». Ils étaient connus de quelques-uns et en étaient respectés ; d’autres ne daignaient pas même les connaître. – « Comme mourants ; et voici que nous vivons… (9) » : Comme destinés et condamnés à mourir : ce qui aussi était une ignominie.
4. Le dessein de l’apôtre était de montrer la puissance de Dieu et la patience des apôtres. Les persécuteurs n’ont rien négligé pour nous donner la mort, et ils croient avoir réussi ; mais Dieu nous a tiré du danger que nous courions. Pour expliquer ensuite pourquoi