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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/127

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de la volonté. Le christianisme n’est pas un jeu, mes chers auditeurs, ni une affaire accessoire. Nous ne cessons de vous le répéter, et cela n’avance à rien.
2. Quelle douleur pensez-vous que soit la mienne, quand je me souviens que, lors des solennités, la foule dont les réunions se composent est comparable aux vastes flots de la mer, et que maintenant je ne vois pas rassemblée en ce lieu même une minime partie de cette foule ? Où sont maintenant ceux dont la multitude nous encombre aux jours de fêtes ? C’est eux que je réclame, j’est pour eux que je m’afflige, en songeant combien il périt de ceux qui travaillaient à leur salut, de combien de frères j’ai à supporter la perte, de quel petit nombre le salut est le partage, en songeant que la plus grande partie du corps de l’Église ressemble à un corps sans mouvement et sans vie. Et en quoi cela dépend-il de nous, direz-vous ? C’est bien de vous surtout que cela dépend, de vous qui n’avez pas soin de vos frères, qui ne les exhortez et ne les conseillez point, de vous qui ne les contraignez pas, qui ne les entraînez pas de force, qui ne les arrachez pas à leur extrême indolence. Car il ne suffit pas d’être utile à soi-même, il faut encore l’être à beaucoup de monde : Jésus-Christ nous l’a montré, en nous qualifiant de sel, de levain et de lumière, toutes choses qui servent et profitent à d’autres qu’à elles-mêmes. Car une lampe ne luit pas pour elle-même, mais pour ceux qui sont dans l’obscurité. Et vous, vous êtes une lampe, non pas pour jouir tout seul de la lumière, mais pour ramener dans son chemin celui qui est égaré. À quoi sert une lampe, si elle n’éclaire pas celui qui est dans les ténèbres ? Et de même, à quoi sert un chrétien, s’il ne gagne personne, s’il ne ramène personne à la vertu ? Le sel encore ne se préserve pas lui seul de la corruption, mais il resserre aussi les corps qui se corrompent, et empêche qu’ils ne périssent par décomposition. Eh bien ! donc, puisque Dieu a fait également de vous un sel spirituel, faites reprendre, en les mordant, les chairs des membres corrompus, c’est-à-dire les âmes de vos frères indolents et lâches ; délivrez-les de cette langueur qui est une sorte de putréfaction, et rattachez-les au reste du corps de l’Église. Voici maintenant pourquoi Jésus-Christ vous a appelés un levain, le levain ne se fait pas fermenter lui-même, mais quoiqu’en toute petite quantité, il fait lever tout le reste de la pâte, dont la masse est énorme.
Ainsi en est-il de vous : quoique peu nombreux en réalité ; vous devenez nombreux et puissants par votre foi et par votre zèle selon Dieu. De même donc que le levain ne perd pas sa force à cause de sa petite quantité, mais qu’il prend le dessus par la chaleur qui est en lui et par sa vertu naturelle ; de même vous pourrez, si vous le voilez, ramener à la même ferveur que la vôtre des frères bien plus nombreux que vous n’êtes vous-mêmes. A cela on objecte aussi la chaleur ; car, je le sais, il y en a qui disent : La température est étouffante maintenant, l’ardeur de l’air est intolérable, nous ne pouvons supporter d’être ainsi resserrés et pressés dans la foule, la sueur nous couvre de toutes parts, la chaleur et le manque d’espace nous accablent ; si telles sont leurs raisons, j’ai honte pour eux, croyez-moi ; ce sont là des prétextes bons pour les femmes ; bien plus, ces excuses ne sont même pas suffisantes pour elles, quoique leur corps soit plus délicat, et leur sexe plus faible. Mais, quoiqu’il soit honteux de répondre à une pareille justification, cela est pourtant nécessaire. Et s’ils ne rougissent pas d’alléguer des choses semblables, nous devons, à plus forte raison, ne point rougir de leur répondre. Que pourrais-je donc bien dire aux gens qui donnent de pareilles raisons ? Je vais leur rappeler les trois enfants qui, au milieu de la fournaise et de la flamme, voyant le feu les envahir de toutes parts, envelopper leur bouche, leurs yeux, leur intercepter la respiration, ne cessèrent pas de chanter à Dieu, avec les autres créatures, cet hymne saint et mystérieux ; et qui au contraire, du milieu de leur fournaise, adressaient leurs bénédictions au Maître commun de toutes choses, avec plus d’enthousiasme que s’ils eussent été dans une délicieuse prairie. A côté de l’exemple de ces trois enfants, je rappellerai les lions de Babylone, et Daniel dans leur fosse : et non pas lui seulement, mais encore une autre fosse et un autre prophète ; je prie ceux à qui je réponds de se souvenir de Jérémie, plongé jusqu’au cou dans un bourbier où il suffoque. Au sortir de ce fossé, je veux introduire dans une prison ces gens qui donnent pour prétexte la chaleur, et leur y montrer Paul et Silas, les entraves aux pieds, couverts de meurtrissures et de blessures, le corps tout entier déchiré d’une multitude de coups,