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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/152

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on les verrait bientôt destituer leurs magistrats et les forcer à descendre de leurs sièges. Voilà pourquoi Paul, après avoir repris sévèrement le grand prêtre des Juifs et lui avoir dit. Dieu te frappera, muraille blanchie, et tu sièges pour me juger (Act. 23,3) ! entendant que quelques-uns disaient, afin de lui fermer la bouche : Tu insultes le grand prêtre de Dieu ; et voulant montrer quel respect et quels égards il convient d’accorder aux magistrats, répondit aussitôt : Je ne savais point que ce fût le grand prêtre de Dieu. Voilà pourquoi David, lorsqu’il eut entre les mains Saül, un prévaricateur, un homme qui respirait l’homicide, un criminel digne des plus grands châtiments, non seulement respecta sa vie, mais s’abstint même de lui adresser aucune parole outrageante, et la raison qu’il en donne, c’est qu’il est l’oint du Seigneur. Et ce n’est point par ces exemples seuls, mais encore par une quantité d’autres, qu’on peut se convaincre combien la pensée de reprendre les prêtres doit être loin de l’esprit des fidèles. Quand l’arche fut rapportée, quelques hommes sans autorité voyant qu’elle vacillait et qu’elle était près de tomber, la remirent en équilibre : sur-le-champ ils furent punis : le Seigneur les frappa et ils Testèrent sans vie. Ils n’avaient pourtant rien fait qui ne fût naturel : ils n’avaient pas renversé l’arche, au contraire, ils l’avaient remise en place et empêchée de tomber.
Mais afin de vous convaincre irrésistiblement des égards dus aux prêtres, et de la faute où tombent les subordonnés ou les laïques qui les reprennent en de pareilles circonstances, Dieu les mit à mort sous les yeux de la multitude, de telle sorte que cette extrême rigueur inspirât de la crainte aux autres, et leur ôtât toute pensée de violer le sanctuaire du sacerdoce. En effet, si chacun pouvait, sous prétexte de redresser les manquements commis, faire invasion dans la dignité sacerdotale, les occasions de redressement ne feraient jamais défaut, et il n’y aurait plus moyen de distinguer le chef des subordonnés, au milieu de la confusion générale. Et que l’on n’interprète point ce que je vais dire dans un sens défavorable aux prêtres (grâce à Dieu, ils se montrent, vous ne l’ignorez pas, fidèles à tous leurs devoirs, et jamais ils n’ont donné prise à personne sur eux) ; mais sachez bien que, quand même vous auriez des parents vicieux ou des maîtres indignes, il ne serait ni sûr ni prudent, même dans ce cas, de médire et de vous déchaîner contre eux. C’est en parlant des parents selon le corps qu’un sage a dit : S’il manque de raison, il faut l’excuser. (Sir. 3,45) En effet, comment t’acquitter envers eux de ce qu’ils ont fait pour toi ? À plus forte raison faut-il observer cette loi quand il s’agit des pères selon l’esprit : c’est notre propre conduite que nous devons nous attacher tous à scruter, à surveiller, si nous ne voulons nous entendre dire au grand jour : Hypocrite, pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton, frère, et ne vois-tu point la poutre qui est dans ton œil ? (Mat. 7,3) En effet, n’est-ce point hypocrisie que de baiser la main des prêtres, en public et aux yeux de tout le monde, d’embrasser leurs genoux, de solliciter leurs prières, de courir à leur porte dès qu’il s’agit du baptême, et de charger ensuite d’invectives, ou de laisser insulter en notre présence, soit chez nous, soit sur une place, ceux qui sont pour nous les auteurs ou les ministres de tant de biens. En effet, si tel père est vraiment un méchant, comment le crois-tu digne d’initier les autres à nos redoutables mystères ? Mais s’il te paraît qu’il mérite un tel ministère, pourquoi permets-tu qu’on en dise du mal, pourquoi ne pas fermer la bouche aux médisants, par ton courroux, par ton indignation, afin de recevoir de Dieu une plus belle récompense, et des éloges de la bouche même des accusateurs ? En effet, fussent-ils amoureux de l’invective au suprême degré, cela ne les empêchera pas de te louer et d’approuver ton respect à l’égard de tes pères spirituels ; tout au contraire, si nous les laissons dire, ils seront unanimes à nous condamner, bien que la médisance vienne d’eux-mêmes. Et ce n’est pas seulement cela qu’il faut craindre, c’est surtout la condamnation suprême qui nous attend là-haut. Car il n’y a point pour les Églises de fléau comparable à cette maladie ; et, de même qu’un corps dont les ressorts ne sont pas exactement soudés entre eux, donne naissance à une foule d’infirmités et rend l’existence insupportable, de même une Église, qui n’est pas fortement et indissolublement unie par la charité, enfante des guerres sans nombre, attise la colère de Dieu, et donne lieu à mille tentations. Dans la crainte que cela ne nous arrive, prenons garde d’irriter Dieu, d’augmenter le nombre de nos maux, de nous préparer un châtiment qui nous laisse sans recours, et de remplir notre vie d’amertumes de