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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/212

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l’éloge. On a vu plus d’une jeune fille qui n’était ni belle ni gracieuse, et qu’escortaient une quantité de suivantes, perdue néanmoins pour avoir passé une fois ou, deux sur la place publique. Que direz-vous donc de celle qui sort chaque jour seule de la maison paternelle, et cela, non-seulement pour aller sur la place, mais pour se rendre à la fontaine et rapporter de l’eau, courses qui l’exposent nécessairement à mille rencontres ? N’est-elle pas vraiment digne de toute notre admiration, lorsque ni ces sorties, continuelles, ni les charmes qui l’embellissent, ni les passants qui s’offrent partout à sa vue, rien, en un mot, rte peut porter atteinte à sa pureté, lorsqu’elle sait maintenir son âme et son corps à l’abri de la corruption, garder plus strictement la chasteté que les femmes qui restent enfermées chez elles, se montrer enfin pareille à celle que Paul demande en ces termes : Qu’elle soit sainte de corps et d’esprit ? (1Co. 7, 34) Étant donc descendue à la fontaine, elle remplit d’eau sa cruche et remonta : Alors le serviteur courut à sa rencontre et lui dit : Laisse-moi boire un peu à ta cruche. Elle répondit : Bois, seigneur, et elle s’empressa de prendre sa cruche sur son bras, et elle lui donna à boire jusqu’à ce qu’il fût désaltéré. Puis elle ajouta : je puiserai aussi pour tes chameaux, jusqu’à ce que tous aient bu. Et elle s’empressa de vider sa cruche dans l’abreuvoir : et elle courut au puits afin de tirer de l’eau pour tous les chameaux. (Gen. 24, 16-20)
Grande était la charité de cette femme, grande sa chasteté ; ces deux points sont bien établis, tant par ses actions que par ses paroles. Vous avez vu comment sa chasteté ne nuisait point eh elle à la charité, comment d’autre part la charité ne compromettait point sa chasteté. Ne s’être point précipitée au-devant de l’étranger, ne lui avoir point parlé la première, voilà pour la chasteté ; n’avoir point, résisté par signes ou paroles à sa demande, c’est le fait d’une charité et d’une humanité lieu communes. En effet, de même qu’elle aurait fait paraître de l’effronterie et de l’impudence si elle était allée à sa rencontre ou lui avait parlé avant qu’il eût rien dit ; de même, si elle l’avait repoussé quand il invoquait son assistance, elle se serait montrée dure et inhumaine. Mais elle sut éviter ces deux écueils : la chasteté ne l’a pas rendue infidèle aux lois de l’hospitalité ; son hospitalité n’a pas su davantage diminuer les éloges dus à sa chasteté ; c’est dans leur intégrité qu’elle a manifesté ces deux vertus : la, chasteté, en attendant la demande de l’étranger ; l’hospitalité, une hospitalité au-dessus de toute louange, en lui fournissant ce qu’il demandait. Hospitalité au-dessus de toute louange, ai-je dit ; comment nommer, en effet, celle qui, non contente d’accorder ce qu’on demande, offre encore quelque chose de plus. Sans doute, son présent n’était que de l’eau ; mais c’est tout ce qu’elle avait alors sous la main. Or l’usage est de mesurer la générosité des hôtes, non à la richesse de leur don, mais aux ressources sur lesquelles ils le prélèvent. C’est ainsi que Dieu a loué l’homme qui avait donné un verre d’eau fraîche, et a dit que la femme qui avait offert deux petites pièces de monnaie avait donné plus que personne, parce qu’elle avait sacrifié tout ce qu’elle possédait alors. De même Rébecca fit largesse à ce brave étranger de tout ce qu’elle avait à lui offrir. Ce n’est pas sans intention que le texte emploie ces expressions ; elle se hâta, elle courut, et autres semblables ; c’est pour montrer le zèle avec lequel elle agit en personne qui n’est ni contrainte, ni forcée, qui agit sans hésitation ni répugnance. Ceci n’est pas insignifiant : n’avons-nous pas vu plus d’une fois un passant que nous prions de s’arrêter tin instant et de noir laisser allumer notre torche à la sienne, ou de nous donner, pour nous désaltérer, un peu de l’eau qu’il portait, s’y refuser et nous repousser avec brusquerie ? Rébecca, au contraire, non contente d’incliner sa cruche en faveur de l’étranger, va jusqu’à prendre la peine de puiser de l’eau pour tous les chameaux, mettant ainsi avec la plus grande bonté, sa personne même au service de la charité. Ce n’est pas seulement son action, mais encore son empressement qui témoigne de sa vertu ; elle appelle seigneur un inconnu qu’elle voit pour ta première fois. Et de même que son futur beau-père Abraham ne demandait pas aux voyageurs : qui êtes-vous ? de quelle famille ? où allez-vous ? d’où venez-vous ? et profitait sans retard de l’occasion offerte à sa charité ; de même Rébecca ne demanda pas : qui es-tu ? de quelle famille ? quel est le motif qui t’amène ? mais pressée de saisir l’aubaine qui se présentait à son zèle, elle négligeait toutes ces questions superflues. Ceux qui achètent des perles afin de les échanger contre de l’or ne songent qu’à s’enrichir aux dépens des acheteurs, et non à les importuner de questions curieuses. Ainsi Rébecca ne