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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/547

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Satan même se transforme en ange de lumière. Il n’est donc pas étrange que ses ministres aussi se transforment en ministres de justice. (2Cor. 11,13-15) Comme ils inventaient contre lui mille calomnies, et nuisaient à ses disciples en leur donnant de leur maître une fausse opinion, il est forcé de faire son propre éloge, car son silence en ce point eût été dangereux. Au moment de nous entretenir des luttes qu’il a soutenues, des révélations qu’il a eues, des travaux qu’il a endurés, pour nous montrer qu’il le fait malgré lui, et pressé toutefois par la nécessité, il taxe cependant ses paroles d’imprudence et dit : Plût à Dieu que vous voulussiez un peu supporter mon imprudence. Je commets une imprudence, dit-il, d’entreprendre de me louer moi-même ; mais la faute n’en est pas à moi, elle est à ceux qui m’ont réduit à cette nécessité ; c’est pourquoi je vous prie de souffrir ce que je fais et de n’en demander compte qu’à mes ennemis.
4. Et voyez ta profonde sagesse de Paul ! après avoir dit : Plût à Dieu que vous voulussiez un peu supporter mon imprudence. Supportez-la, car j’ai pour vous un amour de jalousie et d’une jalousie de Dieu, il n’entre pas aussitôt dans le récit de ses œuvres méritoires, mais ce n’est qu’après avoir dit d’autres choses qu’il reprend : Je vous le dis encore une fois, que personne ne me juge imprudent ; ou au moins, souffrez-moi comme imprudent. (2Cor. XI, 16) Et encore ne commence-t-il pas son récit sans avoir ajouté : Ce que je dis, je ne le dis pas selon le Seigneur, mais je fais paraître de l’imprudence dans ce que je prends pour matière à me glorifier. (Id. 17) Il n’ose point encore commencer, il diffère, il dit : Puisque plusieurs se glorifient selon, la chair, je puis bien me glorifier comme eux. Car étant sages comme vous êtes, vous souffrez sans peine les imprudents (Id. 18, 19) Après ces mots, il hésite encore, il dit autre chose et reprend ensuite : Je veux bien faire une imprudence en rue rendant aussi hardi que les autres. (Id. 21) Et ce n’est qu’après s’être ainsi excusé d’abord qu’il commence ses propres louanges. De même qu’un cheval sur le point de franchir un précipice, s’élance comme pour bondir, mais voyant la profondeur de l’abîme, il s’arrête, il recule ; ensuite, se sentant pressé par son cavalier, il essaye encore, de nouveau recule, et pour témoigner qu’on lui fait violence, il se tient au bord du gouffre, il hennit, il cherche à se rassurer, à prendre de l’audace. Ainsi saint Paul, comme s’il allait s’élancer dans un abîme en faisant son propre éloge, recule une fois, deux fois, trois fois et plus souvent encore, disant Plût à Dieu que vous voulussiez supporter mon imprudence ; et ensuite : Que personne ne me juge imprudent, ou au moins souffrez-moi comme imprudent; et : Ce que je dis, je ne le dis pas selon le Seigneur, mais je fais paraître de l’imprudence dans ce que je prends pour matière à me glorifier; et plus loin : Puisque plusieurs se glorifient selon la chair, je puis bien me glorifier comme eux. Car étant sages comme vous êtes, vous souffrez sans peine les imprudents ; et encore : Je veux bien faire une imprudence en me rendant aussi hardi que les autres. Il se donne mille fois les noms d’imprudent et d’insensé, et c’est à peine s’il ose ensuite commencer ses propres louanges. Ils sont Hébreux ? je le suis aussi ; Israélites ? je le suis aussi ; de la race d’Abraham ? j’en suis aussi ; ministres du Christ ? je le suis comme eux. (Id. 22,23) Mais, même en disant ces mots, il est sur ses gardes ; il ajoute, en manière de correction : Devrais-je passer pour imprudent, j’ose dire que je le suis plus qu’eux. (Id) Et cela ne lui suffit point ; après avoir énuméré ses mérites, il dit : J’ai été imprudent en me louant de la sorte, mais c’est vous qui m’y avez contraint. (Id. 12,11) C’est comme s’il disait : Je n’aurais eu nul souci de ces calomnies si vous eussiez été forts, inébranlables, invincibles. Eusse-je été sans cesse attaqué, la malice de mes ennemis ne me pouvait point nuire. Mais quand j’ai vu mon troupeau atteint, et mes disciples s’enfuir, je n’ai plus hésité à me rendre déplaisant et malséant, à me montrer imprudent par nécessité, en vous faisant mon propre éloge dans votre intérêt et pour votre salut.
5. Car telle est la manière des saints : font-ils quelque chose de mal ? ils le disent tout haut, le déplorent chaque jour, le font savoir à tous, mais les actions grandes et nobles, ils les cachent et les ensevelissent dans l’oubli. C’est ainsi que saint Paul, sans y être forcé, avouait fréquemment et divulguait ses fautes : Jésus-Christ, dit-il, est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, et je suis le plus grand pécheur. (1Tim. 1,15) Ailleurs il écrit : Je rends grâces au Christ qui m’a affermi, m’a compté au nombre des fidèles, et m’a établi dans son ministère, moi qui étais auparavant un blasphémateur,