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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/97

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face, lorsqu’il faisait la guerre à l’Église, tant il respirait le meurtre et la fureur. Tous s’éloignaient, tous fuyaient, quand ils le voyaient paraître quelque part ; quant à le regarder en face, nul ne l’osait, tant il était déchaîné contre uni ! Ils entendaient seulement dire que celui qui les persécutait naguère prêchait maintenant la foi qu’il avait voulu détruire. Puis donc qu’ils ne connaissaient pas les traits de son visage, s’il eût sur-le-champ pris un nouveau nom, ceux mêmes qui auraient entendu parler de sa conversion n’auraient point assez remarqué le persécuteur devenu prédicateur de l’Évangile. Tous savaient son premier nom de Saul, et s’il eût pris celui de Paul tout en embrassant la foi, ceux à qui l’on aurait dit : Paul, celui qui persécutait les fidèles, prêche maintenant la foi, n’auraient pas compris qu’on leur parlait du fameux persécuteur qu’ils connaissaient sous le nom de Saul, et non pas sous celui de Paul. Le Saint-Esprit laissa donc notre Apôtre assez longtemps avec son premier nom, afin d’attirer sur lui les regards et l’attention des fidèles, même de ceux qui étaient éloignés, même de ceux qui ne le connaissaient pas.
4. Le délai apporté dans le changement du nom de l’Apôtre est suffisamment expliqué ; il nous faut à présent reprendre notre texte : Saul respirant encore la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur. Qu’est-ce à dire, encore ? Qu’avait-il donc déjà fait pour que l’on dise encore ? Ce mot encore insinue qu’il s’agit d’un homme qui s’est déjà signalé par des exploits mauvais. Qu’avait-il donc fait ? ou plutôt que n’avait-il pas fait ? Il avait rempli Jérusalem du sang des fidèles, ravagé l’Église, poursuivi les apôtres, lapidé saint Étienne ; il n’épargnait ni les hommes ni les femmes. Écoutez ce qu’en dit son disciple : Saul ravageait l’Église, entrant dans les maisons, entraînant hommes et femmes. (Act. 8, 3) La place publique ne lui suffisait pas : il violait le secret des maisons, entrant dans les maisons, dit l’écrivain sacré, et il ajoute, non pas emmenant, ni tirant, mais traînant hommes et femmes. Il ne parlerait pas autrement d’un animal féroce entraînant hommes et femmes ; entendez bien l’auteur ne dit pas seulement les hommes, mais encore les femmes. Il n’avait nul égard à la nature, il ne respectait point le sexe ; il n’était point touché à l’aspect de la faiblesse. Le zèle l’enflammait, et non la colère. Ç’a été son excuse, et il a été trouvé digne de pardon après s’être rendu coupable des mêmes actes.: qui firent condamner les Juifs. Eux, c’était le désir de gagner l’estime des hommes et l’amour de la vaine gloire qui les faisaient agir. Lui, au contraire, était poussé par son zèle pour le service de Dieu, zèle, sincère, quoique aveugle. De là, vient que les autres juifs, sans s’occuper des femmes, faisaient la guerre aux hommes ; parce qu’ils voyaient leur gloire, l’antique gloire du peuple juif, passer à ces hommes nouveaux. Pour lui, le zèle qui l’animait ne lui permettait pas d’épargner personne. C’était à ce zèle encore inassouvi que saint Luc songeait, lorsqu’il écrivait ces paroles : Saul respirant encore la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur. Le meurtre de saint Étienne ne l’a pas rassasié ; la persécution de l’Église n’a pas assouvi sa soif du sang chrétien ; sa rage, loin d’être épuisée, courait toujours à de nouveaux excès. Le zèle en était le principe. Il est encore tout couvert du sang d’Étienne, et déjà il poursuit les Apôtres. Il est comme un loup féroce qui a déjà attaqué une bergerie, qui en a enlevé un agneau, qu’il a déchiré de sa gueule sanglante, et qui n’en est devenu que plus altéré dé carnage et plus hardi. Tel Saul se jetait sur le chœur apostolique ; il avait déjà enlevé l’agneau Étienne, il l’avait dévoré : son âpreté au meurtre s’en était accrue. Voilà le sens de ce mot encore.
Quel autre cependant n’eût pas – été satisfait d’une telle victime, touché de tant de douceur, vaincu par la prière que le martyr, pendant qu’on le lapidait, adressait au ciel pour ses bourreaux : Seigneur, ne leur imputez pas ce péché ? (Act. 7, 59) Prière sublime qui d’un persécuteur fit un apôtre. Ce fut en effet : tout de suite après le martyre d’Étienne qu’eut lieu la conversion de Paul. Dieu avait entendu la voix de son serviteur. Étienne méritait d’être exaucé tant pour la future vertu de Paul, que pour sa propre confession : Seigneur, ne leur imputez pas ce péché. Écoutez, vous qui avez des ennemis, vous qui êtes en hutte à l’injustice. Vous avez peut-être beaucoup souffert, mais avez-vous été lapidés comme saint Étienne ? Et voyez ce qui se passait ! Par la mort d’Étienne, une source évangélique se fermait dans l’Église, mais déjà s’ouvrait une autre source de laquelle devaient couler des milliers de fleuves. La bouche d’Étienne se tait, et aussitôt éclate dans le monde la trompette