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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/98

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de Paul. C’est ainsi que jamais Dieu n’abandonne son Église, et qu’il répare les pertes dont l’ennemi l’afflige par des dons plus grands. Le Christ ne souffre pas le vide dans sa phalange : on lui enlève un soldat, et vite le poste est occupé par un plus grand. Et ceci nous met sur la voie d’un nouveau sens du mot encore. Il signifie que Saul était encore furieux, encore altéré de carnage, encore bouillant de rage, lorsque déjà le Christ l’attirait à lui. Car il n’attendit pas la cessation du mal, l’extinction du feu, l’apaisement de la fureur, pour amener à lui le persécuteur. Jésus-Christ se saisit de son ennemi lorsque celui-ci était au comble de l’irritation ; quelle plus grande marque de sa puissance pouvait-il donner que de maîtriser, que de dompter ce cœur au milieu même de son délire et dans le transport de sa bouillante colère ? Un médecin ne fait jamais plus admirer son art que lorsque, amené en présence d’un malade qu’une fièvre ardente dévore, il éteint et fait complètement disparaître cette flamme d’un mal arrivé à son paroxysme. Voilà ce qu’éprouva Paul. Sa fièvre était au paroxysme, et comme une douce rosée qui descendait du ciel, la voix du Seigneur le délivra complètement de son mal. Saul respirant encore la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur. Vous le voyez, il laissait de côté la foule pour s’attaquer aux disciples. Comme un homme qui veut abattre un arbre, va droit à la racine, sans s’occuper des branches, ainsi Paul attaquait les disciples du Seigneur pour couper en eux la racine dû la prédication évangélique.
Mais il se trompait ; la racine de là prédication, ce n’étaient pas les disciples, c’était le Maître. Écoutez : Je suis la vigne, et vous les branches. (Jn. 15, 5) Or cette racine-là, nul ne peut la frapper. Aussi plus on coupait de branches, plus il en repoussait de nouvelles. Étienne retranché, à sa place repoussent saint Paul et ceux qui reçoivent la foi par saint Paul. Écoutez la suite du récit : Or il arriva, comme il approchait de Damas, que tout à coup éclata autour de lui une lumière venant du ciel, et étant tombé à terre, il entendit une voix qui lui disait : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Pourquoi la voix ne se fait-elle pas entendre la première ? pourquoi est-ce la lumière qui éclate d’abord ? C’est afin que Saul écoute la voix avec calmé. Quand un homme a l’esprit tendu vers un objet, qu’il est rempli d’ardeur, on a beau l’appeler, il n’entend pas, parce qu’il est tout entier à ce qui l’occupe. C’est ce qui aurait eu lieu pour Paul. L’espèce d’ivresse et de délire que lui causait la pensée des événements ne lui aurait pas permis d’écouter la voix, il n’en aurait pas même entendu les premières paroles, tant son esprit était attaché tout entier à l’œuvre de destruction qu’il méditait ; c’est pourquoi le Seigneur éblouit d’abord ses yeux par l’éclat de la lumière : il le force ainsi à se recueillir, il le calme, il l’apaise ; et quand il n’y a plus de trouble dans son âme, que le calme y règne, c’est alors qu’il fait entendre la voix, afin que la tempête d’orgueil qui agitait son cœur étant enfin tombée, il écoute avec une raison sereine les divines paroles qui vont venir à son oreille.
Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Il accuse moins qu’il ne se défend. Pourquoi me persécutez-vous ? qu’avez-vous à vous plaindre de moi ? quel mal vous ai-je fait Est-ce parce que j’ai ressuscité vos morts ? parce que j’ai purifié vos lépreux ? parce que j’ai chassé les démons ? Mais ces choses-là devraient me faire adorer et non persécuter. Pour vous faire comprendre que le Seigneur se défend plus qu’il n’accuse par cette parole Pourquoi me persécutes-tu ? écoutez comment s’exprime son Père, parlant aux Juifs, et comparez : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? dit Jésus-Christ ; et son Père dit Mon peuple, que l’ai-je fait, en quoi t’ai-je contristé ? (Mic. 6, 3) Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Te voilà renversé, te voilà lié sans chaîne. Tel un maître, qui serait parvenu à s’emparer d’un esclave coupable d’évasion ainsi que de mille autres méfaits, qui le tiendrait dans les fers et qui lui dirait : que veux-tu que je te fasse maintenant ? te voici dans mes mains ; tel est Notre-Seigneur à l’égard de Paul ; il l’a pris, il l’a renversé par terre, il le voit craintif et tremblant, sans pouvoir faire un mouvement, et il lui dit : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Qu’est devenue ta colère ? Où sont maintenant ces emportements d’un zèle faux ? Que fais-tu de ces fers destinés aux fidèles et que tu leur portais en courant par tout le pays ? Je ne vois plus sur ton visage cet air féroce qui te signalait naguère. Tu es immobile à présent, et tu ne peux même regarder celui que tu persécutais. Tout-à-l’heure tu te hâtais, tu courais à la tête d’une troupe d’hommes armés, et