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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/112

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occasions de dérober le bien d’autrui, afin de nous ravir l’innocence et la justice. Il nous tend des pièges en nous promettant des trésors sur la terre, afin de nous enlever ceux du ciel. Il veut nous enrichir ici-bas, de peur que nous ne possédions ces richesses éternelles. S’il ne peut nous ravir les biens invisibles en nous promettant ceux de ce monde, il tâche de le faire par la pauvreté. C’est ainsi qu’il traita le bienheureux Job. Quand il vit que les richesses n’avaient pu le corrompre, il voulut l’abattre par la pauvreté, s’imaginant qu’il le surmonterait par cette voie. Mais cette prétention était bien extravagante. Car celui qui a pu être modéré dans les richesses, sera encore bien plus aisément ferme et patient, lorsqu’il sera pauvre. Celui qui ne s’est pas attaché aux biens qu’il possédait, ne les regrettera peint quand il les aura perdus. C’est pourquoi ce saint homme est devenu incomparablement plus glorieux par sa pauvreté, qu’il ne l’avait été par ses richesses. Le démon put bien lui ôter ce qu’il avait ; mais bien loin de lui ôter cette charité dont il brûlait pour Dieu, il la rendit encore plus ardente ; et en le dépouillant de tout au-dehors, il le combla de biens au dedans. C’est ce qui mit au désespoir cet esprit superbe, voyant que Job devenait d’autant plus fort, qu’il lui faisait de plus grandes plaies.
Lorsqu’il eut employé tous ses moyens inutilement, voyant que rien ne lui réussissait, il eut enfin recours à ses anciennes armes, et il se servit de la femme de ce saint homme pour le tenter. Il lui parla par elle, se couvrant du masque de la bienveillance. Il lui représenta avec exagération l’état déplorable où il était, et il fit semblant de ne lui donner ce conseil détestable que pour le délivrer de tous ses maux. Mais il ne gagna rien encore par ce dernier artifice. Cet homme admirable découvrit du premier coup ce piège caché ; il s’aperçut que c’était le démon qui parlait par la bouche de sa femme, et il la réduisit au silence en la faisant taire.
5. Voilà le modèle que nous devons imiter. Quand le diable nous parlerait par nos frères, par nos amis, par notre femme, par ceux qui nous sont les plus proches et les plus unis, pour nous porter à quelque mal ; que l’amour que nous aurons pour la personne qui nous parle, ne nous fasse point recevoir le mal qu’elle nous suggère, mais que l’horreur que nous aurons du mal, nous en donne aussi pour la personne. Le démon se déguise ainsi tous les jours. Il prend le visage d’un homme qui compatit a nos maux ; et lorsqu’il semble nous consoler, il nous dit des paroles qui ne servent qu’à envenimer notre plaie. C’est le propre du démon de flatter pour perdre, comme c’est, le propre de Dieu de reprendre pour guérir.
Ne nous laissons donc point surprendre à de faux raisonnements, et ne cherchons point, comme nous faisons par toute sorte de moyens, à éviter les maux de la vie. C’est un oracle de l’Écriture que Dieu châtie celui qu’il aime. Lors donc que nous vivons mal, plus toutes choses nous réussissent, plus nous devons être dans la douleur. Car ceux qui offensent Dieu doivent toujours craindre, et encore plus lorsqu’ils ne sont point châtiés de leurs offenses. Lorsque Dieu nous punit en ce monde, il le fait en détail, et notre peine en devient bien plus légère ; mais lorsque sa justice dissimule nos offenses, la peine qu’il nous réserve est bien plus horrible.
Que si l’affliction est nécessaire aux justes mêmes, combien l’est-elle plus aux pécheurs ? Considérez avec quelle patience Dieu souffrit l’endurcissement de Pharaon, et avec quelle rigueur il le punit ensuite. Nabuchodonosor fut longtemps heureux dans ses crimes, et il en fut ensuite rigoureusement puni. Et ce riche de l’Évangile fut d’autant plus tourmenté dans l’autre vie, qu’il avait moins souffert en celle-ci. Il vécut ici-bas dans les délices sans être troublé d’aucune peine, et il alla souffrir ensuite des maux effroyables sans pou voir trouver le moindre soulagement.
Cependant il y a des personnes assez stupides et assez insensées, pour aimer mieux être heureuses en cette vie et pour dire ces paroles ridicules et honteuses. Jouissons des biens présents, et, pour ce qui est des incertains, nous verrons quand nous y serons. Faisons bonne chère ; ne refusons rien à nos sens ; jouissons de la vie ; donnez-moi le présent, et je vous abandonne l’avenir. O comble de l’aveuglement ! En quoi ces personnes sont-elles différentes des pourceaux ? Car si le Prophète dit des adultères qu’ils sont « des chevaux (Jer. 5,8) », qui peut nous accuser comme d’un excès, si nous appelons ces personnes des pourceaux et des boucs, si nous soutenons qu’ils sont plus stupides que des ânes, puisqu’ils