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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/113

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appellent incertaines des choses qui sont plus claires que ce que nous voyons de nos yeux ?
Si vous ne croyez pas les hommes, croyez au moins ce que disent les démons, lorsque Dieu les tourmente par sa puissance, quoique ces esprits de malice n’aient point d’autre but dans leurs actions et dans leurs paroles, que de nous perdre. Car vous ne doutez pas vous-mêmes qu’ils ne fassent tout ce qu’ils peuvent pour entretenir notre lâcheté, et pour nous ôter la crainte de l’enfer, et la créance même du jugement à venir. Cependant, quoiqu’ils tâchent de nous inspirer ces pensées, ils sont souvent forcés malgré eux de crier et de hurler, et de déclarer combien sont grands les supplices que l’on souffre dans l’enfer. D’où, vient donc qu’ils parlent ainsi contre leur propre volonté, sinon parce qu’ils y sont forcés par une nécessité inévitable ? Car ils sont sans doute très éloignés de confesser de leur propre mouvement qu’ils sont tourmentés par la puissance des saints qui sont morts, ni même qu’ils souffrent aucune peine. D’où vient donc que les démons même confessent qu’il y a un enfer, lors même qu’ils tâchent de nous en ôter la créance, sinon parce qu’il y a un Dieu qui les y oblige ? Et cependant vous qui êtes comblés de tant de grâces, qui avez part à de si grands mystères, vous n’imitez pas même les démons, et vous êtes plus durs et plus insensibles qu’eux.
Mais qui est revenu des enfers, me direz-vous, pour nous apprendre ce qui s’y passe ? Et moi je vous demande : Qui est venu du ciel pour nous dire que Dieu a créé toutes choses ? Qui vous dit que nous ayons une âme ? Si vous ne croyez que ce que vous voyez de vos yeux, vous devez aussi mettre en doute s’il y a un Dieu, s’il y a des anges, s’il y a même une âme dans votre corps. Et ainsi les vérités les plus constantes seront effacées de votre esprit.
Je dis plus, si vous ne voulez croire que ce qui est le plus clair, vous devez plutôt croire les choses invisibles que celles que vous voyez de vos yeux. Cela semble un paradoxe ; c’est néanmoins une vérité dont toutes les personnes raisonnables demeureront aisément d’accord. Vos yeux se trompent tous les jours, je ne dis pas dans les choses invisibles, car ils n’en sont pas capables, mais dans celles même qu’ils voient et qui sont les plus grossières. L’éloignement et la distance des lieux, la qualité de l’air, l’abstraction de l’esprit, la passion de la colère, l’inquiétude des soins, et mille autres choses semblables, leur sont comme autant d’obstacles qui suspendent leur action, et qui leur font faire de faux jugements. Mais lorsque l’œil intérieur de notre âme est une fois éclairé par la lumière de l’Écriture, il juge bien plus sainement et avec plus d’assurance de la vérité des choses.
Ainsi ne nous trompons pas nous-mêmes et prenons garde d’attirer sur notre tête un feu doublement violent et pour les dogmes faux que nous aurons professés, et pour la vie molle et relâchée que nous aurons menée en conséquence, pour avoir suivi de si fausses opinions. S’il était vrai que Dieu ne nous dût point juger un jour ou que nous ne dussions lui rendre aucun compte de nos actions, il s’ensuivrait aussi qu’il ne devrait point récompenser les travaux des saints. Considérez donc jusqu’où va ce blasphème qui vous fait dire que Dieu qui est si juste, si doux et qui a tant d’amour pour les hommes, méprisera tous leurs travaux, et n’aura aucun égard à toutes leurs peines ? Qui pourrait croire un si grand excès ?
6. Quand vous n’auriez aucune autre preuve, vous devriez au moins juger de la fausseté d’une pensée si impie et si ridicule, par ce qui se passe tous les jours dans vos familles. Quelque cruel, quelque inhumain, quelque brutal que vous soyez, vous rougiriez en mourant de ne laisser aucune marque de votre affection à un serviteur qui vous aurait été fidèle. Vous lui donnez la liberté, vous lui laissez de l’argent ; et comme vous ne pouvez plus après votre mort lui faire aucun bien par vous-même, vous le recommandez soigneusement à vos héritiers ; vous les priez, vous les conjurez de l’assister, et vous faites tout ce que vous pouvez afin qu’il ne demeure point sans récompense. Quoi, vous, tout méchant que vous êtes, vous témoignez tant de bonté pour un domestique ; et Dieu dont la miséricorde est infinie, dont la bonté n’a point de bornes, négligera ses fidèles serviteurs, ces excellents hommes, Pierre, Paul, Jacques, Jean et tant d’autres qui ont souffert pour lui la faim, les prisons, les naufrages, qui ont été frappés de verges et exposés aux bêtes, qui ont enduré des maux innombrables et qui, enfin, sont morts pour sa gloire ? Il les laissera sans récompense et il ne couronnera point leurs travaux ? Celui qui préside