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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/114

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aux jeux olympiques couronne l’athlète qui y remporte la victoire. Le maître récompense son esclave et le prince son soldat. Tous les hommes généralement comblent de biens ceux qui les ont fidèlement servis, et Dieu seul ne récompensera point ceux qui le servent avec tant de fidélité, et qui souffrent pour son amour tant de travaux et tant de peines ? Les plus justes donc, les plus saints et les plus vertueux seront indifféremment confondus avec les adultères, les homicides, les parricides et les violateurs des sépulcres ? Qui pourrait avoir une si extravagante pensée ? S’il ne restait rien de nous après notre mort, et si tous nos biens ou nos maux se terminaient à cette vie : les bons et les méchants seraient tous enveloppés dans le même état. Et il se trouverait même que ces premiers ne seraient pas si heureux que les derniers : puisque tout étant égal après la mort pour les uns et pour les autres, les méchants auraient au moins cet avantage, de n’avoir eu que du repos et du bonheur en cette vie, au lieu que les bons n’y auraient eu que des maux. Mais quel est le tyran assez cruel, quel est l’homme assez inhumain, quel est le barbare assez dur pour traiter si cruellement ceux qui le servent et lui obéissent ? Vous voyez assez quel est l’excès de cet égarement, et jusqu’où nous porte ce raisonnement impie. Quand donc vous n’auriez point sur cela d’autres lumières, rendez-vous au moins à ce que nous vous disons. Ayez horreur d’une si détestable pensée. Fuyez le vice, embrassez les travaux de la vertu et vous reconnaîtrez alors que tout notre bonheur ou notre malheur ne se termine point dans cette vie.
Si quelqu’un vous demande : Qui est venu de l’autre monde pour nous apprendre ce qui s’y passe ? Répondez-lui Ce n’est pas un homme qui est venu nous en instruire. On ne l’aurait pas voulu croire. On aurait considéré comme des exagérations et des hyperboles tout ce qu’il nous aurait dit de cette autre vie. Mais c’est le Seigneur même des anges qui est venu nous donner une connaissance si précise du véritable état de l’âme après notre mort. Pourquoi cherchez-vous le témoignage des hommes lorsque le juge même qui vous redemandera compte de toutes les actions de votre vie, vous crie tous les jours qu’il prépare le ciel aux bons, l’enfer aux méchants ; et qu’il donne de plus des preuves constantes de tout ce qu’il dit ? S’il ne devait pas juger un jour tout le monde, il ne jugerait point par avance quelques personnes qu’il punit dès ici-bas d’une manière si terrible. Car par quelle raison quelques-uns d’entre les méchants seraient-ils punis, et les autres ne le seraient pas ? Dieu fait-il acception des personnes et ose-t-on proférer un tel blasphème, puisque ce traitement si inégal de ceux qui sont également méchants, serait une erreur encore plus grande que n’est celle que nous venons de combattre ?
Mais si vous voulez m’écouter attentivement, je vous développerai cette difficulté en un mot. Voici de quelle manière j’y réponds : Dieu ne punit pas tous les méchants dès ce monde, de peur que vous ne cessiez ou d’attendre la résurrection ou de craindre le jugement, comme si tous avaient été jugés dès cette vie. Dieu ne laisse pas aussi dans le monde tous les crimes impunis, afin que vous ne doutiez point de sa providence. Ainsi il punit quelquefois et quelquefois il ne punit pas. Lorsqu’il punit en cette vie, il fait voir que ceux qui n’y auront pas été punis, le seront en l’autre. Et lorsqu’il ne punit pas, il exerce votre foi, et il veut que vous attendiez un second jugement sans comparaison plus redoutable que ceux de ce monde. Que si sa sagesse et sa providence avaient jusqu’ici laissé aller toutes choses sans y prendre aucune part, Dieu n’aurait ni puni personne, ni fait aucun bien à personne. Mais ne voyez-vous pas au contraire qu’il a en votre faveur créé les cieux, allumé le soleil, fondé la terre, répandu la mer, étendu les airs, réglé le cours de la lune, tempéré les temps et les saisons ; et qu’il a établi dans tout le monde cet ordre admirable et éternel qui s’y conserve par sa sagesse et par son esprit ? Tout ce qui est renfermé dans la nature des hommes ou dans celle des bêtes ; tout ce qu’il y a d’animaux qui marchent et qui rampent sur la terre, ou qui volent dans l’air, ou qui nagent dans la mer, dans les étangs, dans les fleuves et dans les fontaines ; toutes les bêtes farouches qui peuplent les montagnes et les vallées, toutes les semences, toutes les plantes, tous les arbres fruitiers ou sauvages, fertiles ou stériles, et généralement tout ce qu’il y a sur la terre, a été créé sans peine par cette main toute-puissante, et est gouverné par elle pour notre soutien et notre salut. Toutes ces créatures n’ont pas été seulement ordonnées de Dieu pour notre nécessité et notre usage, mais encore pour exercer la charité, et pour nous assister