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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/116

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« Afin que cette parole du prophète Isaïe fût accomplie : Terre de Zabulon et terre de Nephthali vers la mer, au-delà du Jourdain, Galilée des nations (14-15), votre peuple, qui était assis dans les ténèbres, a vu une grande lumière (16). » Il marque par ce mot de « ténèbres », non les ténèbres sensibles ; mais les erreurs et les impiétés de ces peuples. C’est pourquoi il ajoute : « Et la lumière est venue éclairer ceux qui étaient assis dans la région et dans l’ombre de la mort. »
Car pour montrer qu’il ne parlait ni de la lumière, ni des ténèbres sensibles, il ne dit pas simplement de l’une : Le peuple a vu « la « lumière » ; mais il a vu une « grande lumière », qui est appelée ailleurs, « la lumière véritable. » (Jn. 2,8). Et pour exprimer quelles étaient ces ténèbres, il les appelle « l’ombre de la mort ». Il fait voir ensuite que ce n’est point ce peuple qui, de lui-même, a cherché et a trouvé cette lumière ; mais que c’est Dieu qui la lui a offerte du ciel : « La lumière », dit-il, « s’est levée sur eux », c’est-à-dire, cette lumière est venue les éclairer d’elle-même ; et ce ne sont pas eux qui sont venus la trouver les premiers.
Car avant la naissance de Jésus-Christ, le genre humain était à l’extrémité. Les hommes ne marchaient pas seulement dans les ténèbres ; mais « ils étaient assis dans les ténèbres » ; ce qui signifie qu’ils n’avaient pas même l’espérance d’en être délivrés. Parce qu’ils ne savaient pas dans quel sens ils devaient marcher, ils ne se tenaient pas même debout, mais ils demeuraient assis dans cette profonde obscurité. « Depuis ce temps-là », Jésus commença « à prêcher et à dire : Faites pénitence parce que le royaume des cieux est proche (17). » Jésus commença depuis ce temps-là, c’est-à-dire depuis que saint Jean fut mis en prison. Mais pourquoi ne prêcha-t-il pas d’abord la pénitence ? Quel besoin avait-il de saint Jean puisque les miracles qu’il faisait, lui rendaient un assez grand témoignage ? C’est afin que vous appreniez par là la grandeur de Jésus-Christ, qui a eu ses prophètes de même que son Père a eu les siens. C’est ce que Zacharie marque dans son cantique : « Et vous, » dit-il, « petit enfant, vous serez appelé le Prophète du Très-Haut. » (Lc. 1,76) Cela était encore nécessaire afin de ne laisser aucune excuse à l’insolence des Juifs, comme Jésus-Christ le témoigne lui-même par ces paroles : « Jean est venu ne mangeant ni ne buvant, et ils disent : Il est possédé du démon. Le Fils de l’homme est venu mangeant et buvant, et ils disent : Voilà un homme de bonne chère, et qui aime à boire. C’est un ami des publicains et des gens de mauvaise vie mais la sagesse a été justifiée par ses enfants. » (Mt. 2,18)
Il était encore nécessaire que ce qui concernait le Christ fût publié par un autre, avant de l’être par lui-même. Car si après tant de témoignages et des preuves si éclatantes de sa divinité, ils ne laissent pas de dire : « Vous vous rendez témoignage à vous-même, votre témoignage ne peut être vrai (Jn. 8,12) ; » que n’eussent-ils point dit, si avant que saint Jean eût parlé, Il se fût présenté en public pour témoigner le premier en sa faveur ? Voilà pourquoi il ne commence à prêcher qu’après saint Jean pourquoi il ne fait point de miracles jusqu’à l’emprisonnement de son précurseur, de peur qu’il ne se fît parmi le peuple quelque schisme.
Saint Jean pour la même raison, ne fit point de miracles, afin de laisser courir à Jésus-Christ tout le peuple entraîné par les prodiges qu’il lui verrait faire. Car si même, après tant de miracles opérés par Jésus-Christ, les disciples de saint Jean après comme avant l’emprisonnement de leur maître, étaient encore animés de tant de jalousie contre Jésus ; s’il y en avait beaucoup qui penchaient à croire que c’était Jean et non Jésus qui était le Messie, que n’eût-on pas vu, si Dieu n’eût pas pris ces sages mesures ? C’est pour cette raison que saint Matthieu, après avoir parlé de l’emprisonnement de saint Jean dit aussitôt : « Depuis ce temps-là Jésus-Christ commença à prêcher. »
Il ne dit dans ses prédications que ce que saint Jean venait de dire. Il ne parle pas encore de lui-même. Il se contente de prêcher la pénitence comme saint Jean venait de le faire : c’était bien assez de faire admettre la pénitence, alors que le peuple n’avait pas encore conçu de Jésus-Christ une assez haute opinion. Il hésite même de parler avec force. Il ne menace point les hommes comme saint Jean de « cette hache tranchante », qui devait couper l’arbre par le pied. Il ne dit point : « Qu’il va purger son aire, et jeter la paille