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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/129

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particulièrement à vous, et que je vous exhorte à vous disposer à tant de périls. Considérez combien de villes et combien de peuples vous devez instruire. Vous ne devez pas seulement être sages ; mais vous devez entendre aussi les autres imitateurs de votre sagesse. Qu’ils doivent être prudents, ceux de qui dépend le salut des autres ! Il leur faut une vertu surabondante afin de pouvoir la répandre sur les autres hommes. Si vous n’avez pas assez de vertu pour en communiquer aux autres, vous n’en aurez pas assez pour vous-mêmes.

7. Ne vous plaignez donc pas que ce que je demande de vous soit trop difficile. Car vous êtes « le sel de la terre », et je guérirai par vous la corruption des autres. Mais si vous perdez votre vigueur et votre force, vous vous perdrez vous-mêmes et les autres avec vous. Plus les choses dont je vous commets le soin sont importantes, plus vous devez y apporter d’application et de vigilance ; c’est pourquoi il ajoute : « Que si le sel devient fade, avec quoi le salerait-on ? Il n’est plus bon à rien, qu’à être jeté dehors et à être foulé aux pieds des hommes (13). » Quand les autres tomberaient dans mille fautes, ils peuvent en obtenir le pardon, mais si le maître même devient coupable, rien ne peut l’excuser, et on punira sa faute avec une rigueur extrême. De peur que les apôtres, en entendant dire que le monde les injurierait, qu’il les persécuterait et qu’il dirait d’eux tout le mal possible, ne fussent intimidés de ces prédictions et qu’ils ne craignissent de se produire en public, il leur déclare que s’ils ne sont prêts à souffrir ces traitements, c’est en vain qu’il les a choisis.

Vous ne devez pas craindre, leur dit-il, d’être calomniés par les hommes, mais de devenir lâches et flatteurs, parce qu’alors vous seriez « un sel fade que le monde foulerait aux pieds. » Mais si vous conservez toute votre âpreté contre la corruption, et qu’ensuite on dise du mal de vous, réjouissez-vous alors ; car c’est là l’effet du sel, de piquer les plaies et de causer une douleur cuisante. Les malédictions des hommes vous suivront inévitablement ; mais, bien loin de vous faire aucun mal, elles ne serviront qu’à rendre témoignage à votre invincible fermeté. Que si la crainte des calomnies vous fait perdre la vigueur qui vous convient, vous tomberez dans un état pire que celui que vous voulez éviter, et vous serez méprisés de tout le monde. C’est ce que veut dire cette parole : « Vous serez foulés aux pieds. » Le Sauveur passe ensuite à une comparaison plus relevée. « Vous êtes », leur dit-il, « la lumière du monde (14). » Il ne les appelle pas seulement la lumière d’une ville ou d’un peuple, mais « la lumière du monde. » Comme « le sel » dont il vient de parler est un sel tout spirituel, de même « la lumière » dont il parle ensuite est une lumière intérieure plus éclatante que la lumière du soleil. Il met d’abord « le sel », et ensuite « la lumière », pour montrer quel est l’avantage des paroles piquantes et le fruit d’une doctrine salutaire, puisqu’elle resserre en quelque sorte les âmes, en ne leur permettant plus de se relâcher et de se corrompre, et qu’elle les élève et les conduit comme par la main dans la voie de la vertu. « Une ville située sur une montagne ne peut être cachée (14). Et on n’allume point une lampe pour la mettre sous un boisseau, mais on la met sur un chandelier, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison (15). » Jésus-Christ excite encore ses apôtres par ces paroles à veiller sur leur conduite, et les avertit de se tenir sur leur garde, se considérant comme exposés à la vue de tous les hommes et comme combattant sur un théâtre élevé au milieu de toute la terre. Ne vous arrêtez point, leur dit-il, à considérer ce petit coin du monde où nous sommes, lorsque je vous parle. Vous serez aussi en vue à tous les hommes que l’est une ville située sur le haut d’une montagne, ou une lampe qui éclaire toute une maison.

Où sont maintenant ceux qui osent douter de la toute-puissance de Jésus-Christ ? Qu’ils écoutent ces paroles et que, reconnaissant la force de cette prophétie, ils soient frappés d’admiration et qu’ils viennent avec frayeur adorer cette redoutable majesté. Considérez ce que Jésus-Christ dit ici à des hommes qui n’étaient pas même alors connus dans leur propre pays, et comment il leur promet que la terre et la mer les connaîtront, et qu’ils rempliront le monde de leur réputation, ou plutôt non seulement de leur réputation, mais encore de l’efficacité de leurs bienfaits. Car ce n’est pas l’a renommée qui, en portant partout leurs noms, les a rendus célèbres, c’est l’éclat des œuvres qu’ils ont faites. Ils ont été comme des aigles qui ont couru d’un bout du monde jusqu’