Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’on vous a fait souffrir, ayant été d’une part exposés devant tout le monde aux injures et aux mauvais traitements. ». C’est pour cette raison que Jésus-Christ propose dans cette béatitude une grande récompense à ceux qui sont éprouvés de cette manière. Et comme pour empêcher qu’on ne lui dise : Quoi, vous ne défendrez pas vos apôtres de ces outrages ! vous ne confondrez pas ces calomniateurs, et vous ne leur fermerez pas la bouche, en récompensant dès ce monde vos fidèles serviteurs ! Il parle aussitôt des prophètes, pour nous faire souvenir qu’en leur temps même, Dieu ne s’est point vengé dès cette vie de ceux qui les déshonoraient par leurs médisances. Si donc lorsque Dieu récompensait les hommes par les biens présents, il n’encourageait néanmoins ses plus fidèles amis qu’en leur promettant les biens à venir, combien était-il plus juste que Jésus-Christ traitât de même les apôtres, puisqu’il les appelait à des espérances beaucoup plus grandes, et à une vertu beaucoup plus parfaite ?

Mais considérez de combien de préceptes celui-ci est précédé ; et ce n’est pas sans raison que Jésus-Christ a suivi cet ordre, il l’a fait pour nous montrer qu’à moins de s’être exercé longtemps, et fortifié dans toutes les autres béatitudes qui précèdent, nul ne peut demeurer ferme et invincible dans ces grands combats. Ainsi il se sert de la première comme d’un degré pour passer à la seconde, et ainsi de suite, et de la sorte c’est comme une admirable chaîne d’or qu’il nous a tissée. Car l’humble de cœur pleurera nécessairement ses péchés. Celui qui pleure ses péchés, sera, comme par une suite nécessaire, doux, juste et miséricordieux. Celui qu’il possédera la douceur, la justice et la miséricorde aura le cœur pur. Celui qui aura ce cœur pur sera sans doute un homme de paix, et celui qui possédera toutes ces vertus ne craindra point les périls ; il ne se troublera point de la calomnie et conservera la patience dans les plus grands maux.

Après que Jésus-Christ a convenablement exhorté ses apôtres, il semble qu’il veuille les consoler par les louanges qu’il leur donne. Comme les préceptes qu’il venait de leur donner étaient assez relevés et infiniment au-dessus de l’ancienne loi, pour les empêcher de s’en étonner ou de s’en troubler, et de dire : Comment pourrons-nous faire de si grandes choses ? considérez ce qu’il leur dit : « Vous êtes le sel de la terre (13). » Il leur montre par là la nécessité où il est de leur donner ces préceptes. Ce n’est pas pour vous en particulier, leur dit-il, que je vous donne ces instructions, c’est pour le salut de toute la terre. Car je ne vous envoie pas comme autrefois les prophètes, à une ville ou à un peuple particulier, mais à la terre, à la mer, mais au monde tout entier, monde de corruption et de vice. Lorsqu’il leur dit : « Vous êtes le sel de la terre », il montre que toute la nature des hommes était comme affadie et corrompue par le péché. C’est pourquoi il exige principalement de ses apôtres les vertus et les qualités qui leur étaient nécessaires pour toucher et pour convertir les hommes. Car lorsqu’un homme est doux, humble, charitable et juste, il ne renferme pas ces excellentes vertus en lui, mais elles sont comme des sources divines qui coulent et qui se répandent sur les autres. Celui de même qui a le cœur pur, qui est pacifique, et qui souffre persécution pour la vérité, sacrifie sa vie pour le bien de tous. Ne croyez donc point, mes apôtres, que je vous prépare de légers combats, et que ce soit sans raison que je vous appelle « le sel de la terre. » Quoi donc ! ils ont corrigé ce qui était gâté ? Non, ce n’est pas ce qu’ils ont fait. Le sel ne remédie pas à la pourriture. Les apôtres n’ont point fait cela. Mais lorsque la grâce de Dieu avait renouvelé les cœurs, et qu’après les avoir délivrés de leur corruption, il les mettait comme en dépôt entre les mains des apôtres, c’était alors qu’ils montraient véritablement qu’ils étaient « le sel de la terre », en les conservant dans cette nouvelle vie qu’ils avaient reçue de Dieu. Il n’appartient qu’à Jésus-Christ de délivrer les hommes de la corruption du péché, mais c’est aux apôtres ensuite à employer tous leurs soins pour les empêcher de retomber dans ce même état. Remarquez, je vous prie, comment Jésus-Christ met ses apôtres au-dessus des prophètes. Car il ne les appelle pas seulement les docteurs de la Judée, mais les maîtres « de toute la terre », et des maîtres sévères et terribles. Ce qu’il y a d’admirable, c’est que sans flatter, sans s’occuper de plaire, mais en piquant et en brûlant, à la manière du sel, ils se sont ainsi fait aimer de tous les hommes.

Ne vous étonnez donc pas, semble-t-il leur dire, que je quitte les autres, pour m’adresser