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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/133

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doive. C’est lui qui a dit : « Prêtez sans en rien espérer. » (Lc. 6,35) Puisqu’un Dieu qui est si riche, se charge de vous payer cette dette, comment pouvez-vous l’exiger d’un homme, et d’un homme qui est si pauvre ? Ce débiteur adorable se fâche-t-il, lorsqu’on exige de lui ce qu’il doit ? Est-il pauvre, ou dissimule-t-il de payer sa dette ? Ne savez-vous pas que ses trésors sont inépuisables, et sa libéralité infinie et incompréhensible ? adressez-vous donc à lui ; importunez-le ; pressez-le de vous payer, parce qu’il prend plaisir à ce qu’on l’importune de la sorte. Lorsqu’il voit qu’on exige d’un autre ce qu’il doit, il le tient à injure et alors il ne pense plus à payer ce qu’il devait, mais à se venger de l’injustice qui lui est faite. Suis-je un ingrat, vous dit-il alors ; ou avez-vous trouvé que je sois pauvre, pour ne vous adresser pas à moi, afin que je vous paye, et pour avoir recours à un homme ? vous avez prêté à l’un, et vous exigez de l’autre le payement ? À la vérité c’est un homme qui a reçu, mais c’est Dieu qui a commandé de donner. C’est lui qui est votre principal débiteur. C’est lui qui répond de votre argent, qui est votre caution, et qui vous fait naître une infinité d’occasions d’exiger de lui ce qu’il vous doit. Ne quittez donc pas cette facilité que vous trouvez auprès de Dieu à vous faire payer, pour vous adresser à un homme qui n’a rien.
Car pourquoi me considérez-vous moi, ou quelque homme que ce soit, quand vous faites une action de miséricorde ? Est-ce moi qui vous ai commandé de la faire ? Est-ce moi qui vous en ai promis la récompense ? N’est-ce pas Dieu même qui a dit : « Celui qui a compassion du pauvre, donne son argent à usure à Dieu ? » (Prov. 9,17) Puis donc que c’est Dieu qui vous est redevable, adressez-vous à lui. Vous dites qu’il ne vous payera pas toute votre dette en cette vie. Mais c’est pour votre avantage, qu’il diffère de vous la payer ailleurs. Dieu ne fait pas comme les hommes qui se hâtent de rendre seulement ce qu’on leur avait prêté. Il pense à assurer et à multiplier votre principal. C’est pourquoi il veut qu’ici vous lui donniez beaucoup à usure, et il vous réserve un trésor ailleurs.
10. Sachant cela, mes frères, pratiquons donc beaucoup la miséricorde ; montrons beaucoup d’humanité pour les pauvres, et assistons-les non seulement de notre bien, mais encore de nos bons offices. Si nous voyous qu’on fasse souffrir et qu’on maltraite quelqu’un dans l’agora, délivrons-le ; s’il faut pour cela donner de l’argent, donnons-en ; s’il faut y employer les paroles et les sollicitations, ne les épargnons pas. Une seule de nos paroles sera récompensée, et encore plus nos gémissements et nos soupirs. C’est pourquoi le bienheureux Job disait : « Je pleurais sur celui qui était dans l’affliction, et mon âme était touchée de compassion pour le pauvre. » (Job. 30,25) Que si les soupirs et les larmes seules ont leur prix devant Dieu, comment les récompensera-t-il, lorsqu’on y joindra les paroles, les soins, et les actions ?
Et nous aussi, nous étions dans l’inimitié de Dieu ; et le Fils unique a opéré notre réconciliation ; il s’est interposé ; il a subi le châtiment à notre place ; il a enduré la mort pour nous. Ayons la même charité envers ceux qui sont dans l’affliction, et tâchons de les délivrer de tant de misères qui les accablent. Défaisons-nous de la détestable coutume que nous avons de nous attrouper autour des gens qui se querellent ou se battent, arrêtés que nous sommes par le plaisir que nous trouvons dans la honte et la douleur des autres, et charmés par la vue d’un spectacle diabolique. Quoi de plus inhumain qu’une telle conduite ? Vous voyez des personnes se déchirer par des injures, se meurtrir de coups, s’arracher leurs vêtements, se défigurer le visage, et vous pouvez vous arrêter pour les regarder en paix ? Est-ce donc un lion ou un ours qui se bat ? Est-ce un serpent ou quelque autre bête farouche ? N’est-ce pas un homme semblable à vous ? N’est-ce pas votre frère, et l’un de vos membres ? Ne les regardez donc pas, mais séparez-les. Ne prenez pas plaisir à les voir, mais tâchez de les réconcilier. Bien loin d’attirer les autres à ce spectacle honteux, tâchez au contraire d’en chasser ceux qui s’y rassemblent. Il faut avoir perdu et l’honneur et la raison, il faut être un méchant et un scélérat, pour vouloir bien repaître ses yeux de semblables turpitudes. Vous voyez un homme qui en outrage un autre ; et vous croyez être innocent en voyant ce mal sans l’empêcher ? Vous ne vous jetez pas au milieu de ces personnes, pour dissiper cette œuvre du diable, et pour prévenir les périls et la mort des hommes !
Oui, direz-vous, pour que je m’expose moi-même