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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/134

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même aux coups, faut-il aussi que je coure ce danger ? l’ordonnez-vous ? Il est probable que ce malheur ne vous arrivera pas. Mais supposons qu’il vous arrive, eh bien ! votre fait sera celui d’un martyr, car c’est pour Dieu que vous aurez souffert. Si vous craignez d’être blessé pour votre frère, considérez que votre Sauveur a bien voulu être crucifié pour vous. Ces personnes que vous regardez sont comme des hommes ivres. Ils sont transportés par la violence de leur passion et de leur fureur. Ils ont besoin de quelque personne sage qui les assiste dans cette rencontre. Celui qui fait l’outrage et celui qui le reçoit, ont tous deux également besoin de ce secours ; l’un pour ne plus souffrir cette violence, et l’autre pour ne la plus faire. Rendez-leur donc ce service. Tendez la main, vous qui êtes sobre, à ces personnes qui sont ivres. Car la colère et la fureur est une ivresse pire que n’est celle du vin.
Ne voyez-vous pas tous les jours sur lamer que lorsqu’un vaisseau est menacé du naufrage, tous les mariniers qui sont au port courent au secours de leurs compagnons qui sont en danger de se perdre ? Si la communauté de leur métier leur inspire ce dévouement, combien plus n’en doit pas inspirer la communauté de la nature. Ces personnes que vous voyez sont en danger de faire un naufrage bien plus dangereux que n’est celui de la mer. Car ou celui qui souffre l’injure commet le blasphème ou le parjure, emporté par sa colère, et le malheureux perdant tous ses avantages, tombe misérablement en enfer ; ou celui qui fait violence devient l’homicide de son âme, comme il l’est du corps de son ennemi, et se tue en le tuant. Allez donc, arrêtez de si grands maux. Retirez du milieu des eaux ces personnes qui y périssent. Jetez-vous hardiment dans le fond de ces abîmes pour les en retirer. Faites cesser ce spectacle diabolique. Prenez chacun en particulier ; exhortez-le, et tâchez d’apaiser cette tempête. Que si leur colère est trop violente, ne vous rebutez pas. Vous avez beaucoup de personnes auprès de vous, qui vous aideront quand vous aurez commencé, et Dieu qui est le Dieu de la paix vous assistera encore plus alors que tous les hommes ensemble. Si vous étendez le premier la main pour étendre la flamme, les autres vous imiteront, et vous recevrez la récompense du bien que vous leur aurez fait faire. Considérez ce que le Christ a commandé autrefois aux Juifs, quoique si grossiers et si terrestres. Si vous voyez, leur dit-il, que le cheval de votre ennemi soit tombé dans le chemin, ne passez pas outre, mais courez à son secours, afin de l’aider à relever son cheval. Or il est bien plus aisé de séparer deux personnes qui se battent, et de les réconcilier ensemble. Si donc Dieu commande ce secours de charité pour sauver le cheval de son ennemi ; combien plus vous le commande-t-il pour sauver l’âme de vos frères ; principalement lorsque leur chute est incomparablement plus funeste ? Car elle ne tombe pas dans un bourbier, mais dans le feu même de l’enfer, où elle se précipite après s’être laissée abattre par la violence de sa colère. Cependant lorsque vous voyez votre frère accablé sous ce poids, et que de plus le démon lui insulte, et excite encore ce feu qui le brûle, vous passez outre sans être touché de compassion, et avec une cruauté qui serait inexcusable même envers les bêtes.
11. Le Samaritain autrefois ayant vu un homme blessé, quoiqu’il ne le connût pas, et qu’il ne lui fût rien, s’arrêta néanmoins et le mit sur son cheval, le mena dans une hôtellerie, et ayant fait venir un médecin pour guérir ses plaies, il donna sur l’heure une partie de l’argent, et promit le reste. Et vous lorsque vous voyez votre frère tombé entre les mains non des voleurs, mais des démons ; lorsque vous voyez que la colère lui déchire le cœur, non dans les bois ou dans les lieux écartés, mais au milieu de la ville, vous passez sans rien dire, avec une dureté cruelle et impitoyable, quoique vous n’ayez pas besoin pour le soulager de prêter votre cheval, comme le Samaritain, ou d’aller bien loin, ou de donner de l’argent ? Après cette inhumanité envers votre frère, attendez-vous que Dieu vous écoute lorsque vous l’invoquerez ?
Des spectateurs passons aux acteurs de ces honteuses luttes. Je m’adresse à vous qui osez outrager votre frère devant tout le monde. Dites-moi, vous faites des blessures, vous frappez avec le pied, vous mordez. Êtes-vous donc un sanglier, ou un onagre ? Ne rougissez-vous point de quitter la douceur naturelle à l’homme, pour prendre la fureur des bêtes sauvages ? Vous êtes pauvre, mais vous êtes libre ; vous êtes un artisan, un manœuvre, mais vous êtes chrétien. La qualité même de