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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/148

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pousse et qu’il porte ses fruits détestables, on les retranche aussitôt. C’est pourquoi, après avoir parlé du « jugement », du « conseil », de la « géhenne », de l’interruption du sacrifice et de plusieurs autres choses, il ajoute : « Accordez-vous au plus tôt avec votre adversaire, pendant que vous êtes en chemin avec lui, de peur qu’il ne vous livre au juge, et le juge au ministre de la justice, et que vous ne soyez mis en prison (25). « Je vous dis en vérité que vous ne sortirez point que vous n’ayez payé jusqu’à la dernière obole (26). » Et ne dites pas : Mais si l’on me fait tort ? si l’on me ravit mon bien, si l’on me met en procès ? Non, ce motif ou ce prétexte, Jésus-Christ ne veut pas le recevoir, et il n’autorise pas l’inimitié même en ce cas. Et comme ce commandement était grand, il exhorte à l’accomplir par l’attrait d’un avantage présent, qui a toujours plus de force sur les esprits grossiers, que le bien qui n’est qu’à venir. De quoi vous plaignez-vous ? nous dit Jésus-Christ. Qu’un tel est plus puissant que vous, et qu’il vous fait tort ? Il vous nuira donc bien davantage, si vous ne vous délivrez de ses mains, et si vous le contraignez de vous faire mettre en prison. Vous n’avez perdu jusqu’ici que votre bien ; et votre corps est en liberté ; mais quand le juge aura prononcé l’arrêt contre vous, vous serez mis en prison, et vous souffrirez les dernières extrémités, Que si vous évitez de plaider, vous vous procurerez deux grands biens : le premier, de ne souffrir aucune disgrâce ; et le second, de terminer cette affaire plutôt par votre propre vertu, que par la puissance de votre adversaire. Si vous ne suivez pas ce conseil, vous ne lui ferez pas tant de tort, que vous vous en ferez à vous-même.
Mais voyez combien il est pressant pour pousser à la réconciliation. Car après avoir dit : « Accordez-vous avec votre adversaire », il ajoute, « au plus tôt », et ne se contentant pas de cela, il presse encore davantage, en disant : « Pendant que vous êtes en chemin avec lui », parce qu’il n’y a rien qui nous nuise tant pendant cette vie, que de différer trop à faire le bien. C’est ainsi que plusieurs se perdent souvent. Ainsi donc nous avons entendu saint Paul nous recommander de nous réconcilier avant que le soleil se couche, Jésus-Christ nous dire : Réconciliez-vous avant d’achever votre sacrifice, et ici encore derechef le divin Sauveur nous ordonne de nous accorder « promptement » avec notre adversaire, pendant que nous sommes en chemin avec lui, avant que nous approchions du tribunal du juge, et que nous soyons en sa puissance.. Vous êtes maître de tout, avant que d’entrer en ce lieu de la justice ; mais dès que vous y aurez mis le pied, quelque effort que vous fassiez, vous ne pouvez plus disposer de vous selon que vous le voudrez, et vous serez réduit sous la puissance d’un autre.
Mais que veut dire ce mot : « Accordez-vous ? » C’est comme s’il disait : Choisissez plutôt de souffrir quelque perte. Ou bien : Portez le jugement que vous porteriez si vous teniez la place de votre adversaire, et que votre amour-propre né corrompe pas en vous la justice. Aimez l’avantage de votre prochain comme le vôtre, et soyez un arbitre équitable entre lui et vous. Si cela vous paraît grand, ne vous en étonnez pas. C’est pour ce sujet que Jésus. Christ a prononcé d’abord les béatitudes et les récompenses, afin de préparer l’esprit de ses auditeurs, et de le rendre plus susceptible de ses ordonnances saintes.
11. Quelques-uns croient que par cet « adversaire », il faut entendre le démon, et que Jésus-Christ nous commande de n’avoir rien de ce qui lui appartient, puisque c’est par là seulement que nous pouvons être d’accord avec lui, et qu’il ne nous est plus possible après la mort de nous en débarrasser, livrés que nous sommes à un éternel supplice. Mais pour moi je crois que Jésus-Christ parle des jugements humains et civils, et des prisons de ce monde. Après avoir excité les hommes par des considérations plus élevées, et par la crainte des supplices à venir, il les étonne encore par le mal qu’ils peuvent recevoir dès cette vie. C’est ce que saint Paul a imité depuis, en se servant des choses futures, aussi bien que des présentes, pour porter les chrétiens à la vertu. Par exemple lorsqu’il veut détourner le méchant de mal faire, il lui met sous les yeux l’image du souverain armé du glaive : « Si vous faites « mal », dit-il, « vous avez raison de craindre, parce que ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée, car il est le ministre de Dieu. » (Rom. 13,4) Et commandant au même endroit aux chrétiens d’être soumis aux puissances, il ne les y porte pas seulement par la crainte de Dieu, mais encore par celle du prince : « Il est nécessaire », dit-il, « de vous soumettre,