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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/147

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sacrifices, c’est-à-dire leurs prières et leurs aumônes. Car le Prophète marque que ces deux choses tiennent lieu de sacrifice. « Le sacrifice de louanges m’honorera (Ps. 49,23) », dit-il. Et au même psaume : « Immolez à Dieu un sacrifice de louanges. » (Id. 14) Et ailleurs : « Que l’élévation de mes mains vous « soit agréable comme le sacrifice du soir. » (Ps. 140,2) Ainsi quand vous offririez à Dieu votre prière dans cette disposition, il vaut mieux la quitter pour vous aller réconcilier et la venir offrir ensuite. Car la charité est, préférable à tout, et c’est pour elle que tout a été fait. Dieu s’est fait homme, pour établir la charité parmi les hommes. Et la fin de tous ses miracles et de toutes ses souffrances a été de nous réunir tous ensemble dans un seul corps.
Mais il faut remarquer que Jésus-Christ oblige ici celui qui a tait l’injure à s’aller réconcilier avec celui qu’il a offensé, au lieu que dans l’oraison qu’il nous a prescrite, c’est celui qui a reçu l’injure, qu’il oblige de se réconcilier avec celui dont il l’a reçue : « Remettez aux hommes ce qu’ils vous doivent », dit-il ; et il dit ici : « Si votre frère a quelque chose contre vous, allez vous réconcilier avec lui. » Il me semble néanmoins qu’il engage ici celui-là même qui a été offensé de prévenir celui qui lui a fait tort. Car il ne dit pas : Réconciliez-vous avec votre frère ; mais, « soyez réconcilié » avec votre frère. Il semblerait d’abord que cela devrait s’entendre de celui qui a fait l’injure, mais en réalité cela s’entend de celui qui l’a soufferte. Si vous vous réconciliez, dit Dieu, avec votre frère, cette charité que vous lui témoignerez fera que je vous aimerai moi-même et vous mettrai en état de m’offrir votre sacrifice avec confiance. Que si vous avez peine à recevoir les avis que je vous donne, souvenez-vous que je veux bien qu’on interrompe le culte que l’on me rend, pour vous donner lieu de vous réconcilier plus tôt, et qu’une considération si puissante vous aide à vaincre votre colère.
Il est remarquable encore que Jésus-Christ ne dit pas : Lorsque vous aurez été beaucoup offensé, réconciliez-vous avec celui qui vous a offensé ; mais, si votre frère a la moindre chose contre vous. Il n’ajoute point si c’est avec raison ou à tort, mais simplement : « Si votre frère a quelque chose contre vous. » Quand même ce serait avec justice, il ne faudrait pas pour cela entretenir l’inimitié. Combien Jésus-Christ avait-il de justes causes pour se mettre en colère contre nous ? Et néanmoins au lieu de nous imputer nos crimes, il s’est offert en sacrifice pour les expier.
10. Saint – Paul emploie une autre considération pour nous exhorter à nous réconcilier avec nos frères : « Que le soleil, dit-il, ne se couche point sur votre colère. » (Eph. 4,26) Comme Jésus-Christ se sert de la considération du sacrifice pour exciter les chrétiens à se réconcilier, saint Paul se sert de même du jour et de la lumière. Il craint que la nuit trouvant seule cette personne offensée, n’envenime encore ses plaies. Durant le jour cette passion se dissipe par les distractions elle commerce du monde, mais durant la nuit, lorsqu’on est seul et qu’on – s’entretient de l’injure qu’on a reçue, il s’excite dans l’âme des mouvements plus violents et la passion s’aigrit davantage. Saint Paul, pour prévenir ce malheur, veut qu’on se réconcilie avant que le soleil se couche, afin que le démon ne prenne point occasion du repos de la nuit pour rallumer notre colère et pour la rendre bien plus vive et plus forte. C’est dans ce même dessein que Jésus-Christ nous commande de ne pas différer d’un moment notre réconciliation, de peur que si nous attendions la fin de notre sacrifice, nous ne fussions, ensuite plus lents à nous réconcilier et ne différassions de jour en jour à le faire. Il savait que cette passion a besoin d’un prompt remède. Et comme un habile médecin ne donne pas seulement des préservatifs contre les maladies, mais les guérit encore lorsqu’elles sont déjà formées, Jésus-Christ fait la même chose. Car lorsqu’il défend d’appeler son frère « fou », il prévient l’inimitié ; et lorsqu’il commande de se réconcilier avec lui, il empêche toutes les suites fâcheuses de la haine. Et remarquez avec quelle sévérité il exige cela de nous ! D’une part, il nous menace de l’enfer, et de l’autre il ne reçoit point notre sacrifice jusqu’à ce que nous nous soyons réconciliés. Il témoigne partout que notre défaut de charité l’irrite extraordinairement, pour couper ainsi la racine de ce mal avec tous ses fruits. Il dit d’abord : Ne vous mettez point en colère, et ensuite : Ne dites point d’injures, car ces deux choses naissent l’une de l’autre. L’inimitié fait dire des injures, les injures font croître l’inimitié. C’est pourquoi tantôt il attaque la racine, et tantôt il coupe le fruit, empêchant que le mal ne naisse d’abord et voulant que, s’il