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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/151

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d’étendre ce commandement jusqu’à sa propre personne, et de se faire connaître aux hommes en leur révélant des choses dont le temps n’était pas encore venu. Il se contentait alors de former les mœurs, voulant persuader aux hommes, d’abord par la sainteté de sa vie et par ses miracles, qu’il était le Fils de Dieu.
Si donc avant d’avoir jamais rien enseigné ou rien fait, il fût venu d’abord dire aux hommes : Vous savez qu’il a été dit aux anciens : Je suis le Seigneur votre Dieu, et il n’y en a point d’autre que moi : mais moi je vous dis, que vous m’adoriez de même que mon Père ; il n’est pas douteux qu’ils l’eussent traité comme un extravagant et un insensé. Car si après leur avoir enseigné une doctrine si pure, et avoir fait tant de miracles, ils ne laissaient pas de dire qu’il était possédé du démon, lorsqu’il ne déclarait pas même ouvertement ce qu’il était ;.à quoi ne se fussent-ils point portés, s’il leur eût parlé de la sorte, avant que de leur avoir donné des preuves de ce qu’il était ? Mais en réservant cette vérité pour un temps plus opportun, il disposait peu à peu les hommes à la recevoir. C’est pourquoi il la passe ici sous silence, en y préparant le monde par ses prodiges, et par la pureté de sa doctrine. Il l’a dite clairement dans la suite, mais il se contente ici de la découvrir peu à peu par une longue suite de merveilles, et par la manière dont il instruisait les hommes. L’autorité même avec laquelle il établissait de nouvelles lois, et réformait les anciennes, était capable de faire juger à un esprit réfléchi que celui qui parlait de la sorte, n’était autre que Dieu. « Ils étaient surpris », dit l’Évangile, « parce qu’il ne les enseignait pas comme les docteurs de la loi. » (Mt. 7,29) En effet commençant par les vices les plus naturels à l’homme, savoir la colère et l’impureté, les deux passions qui le tyrannisent le plus, et qui sont la source de toutes les autres, il les combat avec l’autorité, d’un législateur, et il leur oppose la vertu la plus pure et la plus parfaite. Il ne dit pas qu’on punira seulement les adultères qui auront effectivement commis ce crime. Mais de même qu’il a condamné jusqu’à la pensée de l’homicide, de même ici il punit jusqu’à un regard impudique, afin de nous apprendre en quoi consiste cette surabondance de justice qu’il demande de nous et que n’avait pas la vertu des pharisiens. « Celui, dit-il, qui aura regardé une femme avec un mauvais désir pour elle, a déjà commis l’adultère dans son cœur : » c’est-à-dire celui qui se plaît à regarder des personnes agréables, qui recherche même avec curiosité et avec passion la vue d’un gracieux visage, et qui en repaît ses yeux et son cœur. Car Jésus-Christ n’est pas venu seulement pour empêcher qu’on ne déshonore son corps par des actions criminelles, mais encore pour établir la pureté de l’âme, en lui interdisant les mauvais désirs. Comme c’est dans le cœur que nous recevons la grâce du Saint-Esprit, c’est le cœur aussi qu’il purifie le premier.
Mais comment est-il possible, me direz-vous, d’être délivré de ces désirs ? II nous sera facile, si nous le voulons, de les réprimer de telle façon, que s’ils commencent à s’élever, ils demeurent néanmoins sans aucun effet. D’ailleurs Jésus-Christ ne parle pas ici généralement de toute sorte de désirs ; mais de ceux qui s’excitent par les yeux et par les regards. Car celui qui se plaît à regarder de beaux visages, allume en lui-même une flamme impure, met son âme sous le joug de la passion, et ne tarde pas à commettre le crime même. C’est pour ce sujet que Jésus-Christ ne dit pas : Celui qui aura désiré de commettre un adultère, mais « celui qui aura regardé une femme avec un mauvais désir. » Il ne dit pas même ici ce mot, « sans sujet », qu’il met expressément en parlant de colère, non, il condamne sans exception toute convoitise. Et cependant ces deux passions, la colère et la concupiscence, sont toutes les deux inhérentes à notre nature, et l’on peut se servir utilement de l’une et de l’autre, de la première, en l’employant à réprimer les méchants, et à corriger les gens déréglés ; et de l’autre en en usant seulement pour la génération des enfants, et pour conserver la succession des hommes.
2. D’où vient donc que Jésus-Christ ne met point ici d’exception ? Je vous réponds que si vous considérez bien ses paroles, vous y en trouverez une grande. Car il ne dit pas, Celui qui aura eu un mauvais désir, ce qui peut arriver aux solitaires dans les déserts les plus retirés, mais : « Celui qui aura regardé une femme avec un mauvais désir pour elle ; » comme s’il disait : Celui qui aura excité ce mauvais désir en lui-même et qui aura volontairement déchaîné sur son âme cette espèce de bête féroce. Car cela n’est plus l’effet de la nature, mais de votre négligence et de votre