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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/165

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la grandeur de ce précepte vous étonne, jetez les yeux sur la différence qu’il y a entre inciter Dieu ou les publicains. Ne considérez pas seulement la difficulté du commandement, mais pesez-en aussi la récompense. Voyez à qui nous nous rendons semblables en l’accomplissant ; et à qui nous le serons en le violant.
Lorsqu’il s’agit de nos frères, Jésus-Christ veut que nous nous réconciliions avec eux, et que nous ne les quittions point que nous ne soyons rentrés en grâce ; mais pour les autres hommes, il ne nous impose plus cette nécessité, il se contente que nous leur rendions seulement ce que nous leur devons, et il rend ainsi sa loi légère. Comme il avait dit à ses disciples en leur parlant des Juifs : « C’est ainsi qu’avant vous ils ont persécuté les prophètes (Mt. 5,12) », de peur qu’ils ne prissent de là occasion de les haïr, il leur commande aussi non seulement de les supporter en cet état, mais encore de les aimer. Il arrache, comme vous voyez, jusqu’aux moindres racines de la colère, des désirs sensuels, de l’avarice, de la vanité, et de tous les soins de cette vie. C’est ce qu’il fait dès le commencement de ce sermon, mais surtout à l’endroit où nous sommes arrivés. En effet, celui qui est pauvre d’esprit, qui est doux, et qui pleure, bannit de lui la colère ; celui qui est juste et miséricordieux, chasse l’avarice ; celui qui a le cœur pur, s’éloigne de toute impureté ; et celui qui souffre les persécutions, les outrages et les calomnies, se met en état de mépriser toutes les choses de la terre ; et de se purifier du faste de la vanité du monde.
Mais après avoir dégagé de ces liens les mes de ses auditeurs, et les avoir comme frottées d’huile pour le combat, il s’applique encore à déraciner ces vices avec plus de soin qu’auparavant. Il commence par la colère. Il la détruit entièrement en disant : « Que celui qui se fâchera contre son frère sans sujet, »et qui lui dira « Raca », ou qui l’appellera « fou », sera puni. Que celui qui veut offrir son présent n’approchera point de l’autel avant qu’il se soit réconcilié avec son frère, et que celui qui a un ennemi, tâchera de se le rendre ami avant que d’entrer en jugement. Il passe ensuite à l’impureté. Il dit : Que celui qui regarde une personne avec un œil impudique, sera puni comme un adultère : Que celui à qui la compagnie d’une femme, ou d’un homme, ou d’un de ses intimes amis, peut être une occasion de chute et de scandale, doit les éloigner et se retrancher de lui : Que celui qui est lié à une femme par le mariage ne la quittera point pour en épouser une autre. Et c’est ainsi qu’il coupe la racine de l’impureté.
Il attaque ensuite l’avarice en défendant de jurer ou de mentir, ou de plaider contre celui qui emporte notre robe, en nous commandant de lui laisser notre manteau, de donner même les assistances corporelles qu’on exige de nous, et par là il enseigne admirablement à étouffer l’amour des richesses. Enfin il ajoute, comme pour le couronnement de tous ces différents préceptes : « Priez pour ceux qui vous calomnient. » C’est ainsi qu’il élève ses disciples à la plus haute perfection. Car s’il est évident qu’être doux est moins que de se laisser maltraiter ; qu’être miséricordieux, est moins que de donner son manteau à celui qui nous ôte notre robe ; qu’être juste, est moins que de souffrir l’injustice ; qu’être pacifique, est moins que de faire volontairement plus qu’on n’exige de nous, ou de tendre la joue droite quand on nous frappe sur la gauche, c’est de même beaucoup moins d’être persécuté, que de bénir ceux qui nous persécutent.
6. C’est de cette manière qu’il nous élève peu à peu jusqu’au plus haut des cieux. Après cela de quels supplices ne serons-nous pas dignes, si tandis qu’on nous commande de nous rendre semblables à Dieu, nous ne faisons pas même ce que font les païens et les gentils ? Si les publicains, les païens et les pécheurs aiment ceux qui les aiment : que deviendrons-nous nous autres, si nous n’aimons pas nos propres frères, et si nous témoignons ce, manquement de charité, par l’envie que nous causent les louanges et l’estime dont ils sont l’objet ? A quels supplices ne serons-nous pas condamnés, si lorsque Jésus-Christ nous commande d’être plus justes que les pharisiens, nous sommes moins vertueux que les païens même ? Comment oserons-nous approcher de l’entrée du ciel, et de ces portes sacrées si nous ne sommes pas meilleurs que les publicains ? Car Jésus-Christ le donne à entendre lorsqu’il dit : « Et si vous n’aimez que vos frères, que ferez-vous en cela de particulier ? Les païens ne le font ils pas aussi (47) ? » Mais une des choses qui doit nous faire le plus admirer la manière dont Jésus-Christ instruit les hommes, c’est