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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/166

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qu’il propose les récompenses avec une sorte de prodigalité, comme de voir Dieu, d’avoir part au royaume des cieux, de devenir enfants de Dieu, et semblables à lui ; d’avoir part à ses miséricordes et à ses consolations divines, et de jouir d’une couronne immortelle, tandis qu’au contraire, s’il est obligé de faire quelque menace, il ne le fait que comme en passant. Car il ne parle qu’une seule fois ici du feu de l’enfer, et il fait la même chose ailleurs, ayant plus pour but de toucher ses auditeurs par la honte que par des menaces, comme lorsqu’il dit : « Les publicains ne font-ils pas la même chose ? » Et : « Si le sel devient fade, », etc ; et : « Celui-là sera appelé le dernier dans le « royaume des cieux. » Il y a même des endroits, où au lieu de punition, il ne marque que le péché même où l’on tombe, afin de laisser juger à l’auditeur de la sévérité du châtiment. Comme lorsqu’il dit : « Il a déjà commis l’adultère dans son cœur. » Et : « Celui qui quitte sa femme la rend adultère. » Et : « Ce qui est de plus, vient du mauvais. » Car il ne faut point marquer d’autre punition à des personnes raisonnables pour les éloigner de quelque péché, que de leur en montrer la grandeur. C’est pour ce sujet qu’il apporte ici l’exemple des publicains et des gentils, afin que cette comparaison fasse plus d’impression sur ses disciples. Saint Paul a imité cette conduite, lorsqu’il a dit : « Ne vous affligez point comme les autres qui n’ont point d’espérance (1Thes. 4,12) » et « comme les gentils qui ne connaissent point Dieu. » (Id. 5) Et pour leur montrer qu’il ne leur demande rien de fort grand, mais seulement d’un peu au-dessus de la pratique ordinaire, il leur dit : « Les païens n’en font-ils pas autant ? » Mais il ne s’arrête pas là, et c’est par les récompenses qu’il conclut, c’est sur les bonnes espérances qu’il laisse ses auditeurs : « Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait (48). » Il nomme le ciel presque partout pour accoutumer ses disciples à des pensées plus hautes et plus sublimes ; Car ils étaient encore faibles et dans des sentiments humains et charnels.
Repassons, mes frères, dans notre esprit toutes ces instructions si saintes, et témoignons à l’avenir un grand amour pour nos ennemis. Rejetons cette coutume ridicule de quelques personnes déraisonnables, qui attendent que ceux qu’ils rencontrent les saluent les premiers, négligeant ainsi ce qui les rendrait heureux selon la parole de Jésus-Christ, et affectant ce qui les rend ridicules. Car pourquoi ne saluez-vous pas le premier celui que vous rencontrez ? C’est, dites-vous, parce qu’il attend que je le prévienne. N’est-ce pas pour cela même que vous devez vous hâter, afin qu’en le prévenant vous receviez la récompense que Jésus-Christ a promise ? Je ne le ferai pas, dites-vous, parce qu’il veut exiger cela de moi. Qu’y a-t-il de plus extravagant que cette pensée ? Parce qu’il m’offre une occasion d’être récompensé de Dieu, je ne veux pas m’en servir. Car s’il vous salue le premier, vous ne gagnerez plus rien en le saluant. Mais si vous le prévenez, la vanité est votre profit, et son orgueil sera votre couronne. N’est-ce pas un étrange aveuglement de pouvoir gagner beaucoup par peu de paroles, et de vous priver volontairement de cet avantage ? Mais de plus vous tombez dans le même vice que vous reprenez dans votre frère. Car si vous le blâmez de ce qu’il attend que vous le saluiez le premier, pourquoi imitez-vous ce que vous condamnez en lui ? Pourquoi affectez-vous de faire comme un bien, ce que vous reprenez en lui comme un mal ? Voyez-vous par là qu’il n’y a rien de plus ennemi de la raison, que celui qui n’est pas ami de Dieu ? C’est pourquoi je vous conjure, mes frères, de fuir une coutume si dangereuse et si peu raisonnable. Cette maladie d’esprit a séparé une infinité d’amis, et fait une infinité d’ennemis. Prévenons donc les hommes, et aimons à les saluer toujours les premiers. Car si Jésus-Christ nous commande de nous tenir prêts à souffrir les soufflets, à laisser prendre notre robe, et à suivre nos ennemis lorsqu’ils nous contraignent de marcher bien loin, qui pourra nous excuser si nous faisons preuve d’un orgueil si opiniâtre, lorsqu’il ne s’agit que de saluer et de dire un mot ?
Vous me direz peut-être : Mais si je lui rends cette déférence, les autres me mépriseront et me railleront. Quoi donc ! de peur d’être méprisé par un extravagant, vous ne craindrez pas d’offenser Dieu ? Et pour empêcher qu’un autre homme comme vous ne vous raille, vous foulerez aux pieds la loi de Celui qui vous a tant fait de grâces ? Si c’est un mal qu’un homme vous méprise, quelle indignité sera-ce que vous désobéissiez à Dieu même qui vous a créé ?
Mais de plus, si vous souffrez quelque mépris,