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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/170

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bien moins de n’affecter point de faire paraître ses bonnes œuvres, que de s’étudier même à les tenir secrètes. « Ainsi lorsque vous priez, ne faites point comme les hypocrites qui affectent de prier en se tenant debout dans les synagogues et dans les coins des rues, afin qu’ils soient vus des hommes : Je vous dis en vérité que déjà ils ont reçu leur récompense (5). » « Mais vous, lorsque vous priez, entrez en un « lieu retiré de votre maison, et fermant la porte, priez votre Père en secret (6). » Jésus-Christ appelle encore ces personnes hypocrites, et très justement, puisque, feignant de prier Dieu, ils ne font que regarder les hommes autour d’eux, et qu’ils ressemblent moins à des suppliants qu’à des comédiens. Car celui qui prie vraiment Dieu, quitte tout le reste, et n’est attentif qu’à Celui qui a le pouvoir de lui accorder sa demande. Que si vous le quittez pour porter ailleurs votre attention et vos regards, et partout à la ronde, vous vous en retournerez les mains vides, c’est-à-dire avec ce que vous avec demandé. C’est pourquoi Jésus-Christ ne dit pas que ces personnes ne recevront point leur récompense, mais qu’ils l’ont déjà reçue ; c’est-à-dire qu’ils l’ont reçue des hommes, et qu’ils ont trouvé ce qu’ils désiraient. Ce n’était pas là le dessein de Dieu. Il voulait nous donner lui-même la récompense de notre prière. Mais lorsqu’on la prétend d’ailleurs, on ne mérite pas de rien recevoir de lui, puisqu’on n’attend rien de lui. Qui n’admirera la bonté de Dieu, qui promet de nous récompenser, même de ce que nous lui avons demandé ses grâces ?
3. Après avoir blâmé ceux qui abusent de la prière, en leur reprochant le lieu qu’ils affectent et leur intention corrompue, et fait voir qu’ils sont plus dignes d’être moqués que d’être exaucés, il enseigne ensuite une excellente manière de prier, à laquelle il attache une grande récompense : « Entrez, dit-il, dans un « lieu retiré de votre maison. » Vous me direz peut-être, ne faut-il point prier dans l’église ? Oui, il le faut, mais dans la même disposition de cœur que si vous étiez en un lieu secret. Car Dieu considère toujours le but et la fin qu’on se propose, puisque quand vous entreriez dans le lieu le plus retiré de votre logis, et que vous fermeriez la porte sur vous, si vous le faisiez par vanité, toute cette retraite ne vous servirait de rien. C’est donc avec grande sagesse que Jésus-Christ ajoute ce mot, « afin qu’ils soient vus des hommes. » Quoique vous preniez soin de fermer la porte de votre cabinet, il veut que vous en preniez encore plus de fermer celle de votre cœur et de votre intention. Car on doit toujours combattre et rejeter la vaine gloire, mais particulièrement en priant. Que si lors même que nous sommes exempts de cette passion, nous ne laissons pas d’être égarés et distraits dans nos prières ; que sera-ce si nous y apportons une intention si corrompue ? Comment nous écouterons-nous nous-mêmes ? Et si nous, qui prions et qui sommes dans le besoin, ne nous écoutons pas dans la prière, comment voulons-nous que Dieu nous écoute ? Cependant, après tant de menaces que Jésus-Christ fait ici, il se trouve des personnes qui ont si peu de honte et de retenue dans les prières, que, si elles sont cachées de corps, elles tâchent de se faire entendre de tout le monde par des exclamations, des soupirs et un fatras de paroles qui les rendent la risée des autres. Un homme trouverait mao vais qu’on vînt en pleine rue le prier de la sorte, et il repousserait celui qui le ferait. Lorsqu’au contraire quelqu’un prie modestement et comme il convient, tous ceux qui peuvent lui donner sont plus portés à le faire,
Apportons donc à la prière, non la posture du corps, ru les cris de la bouche, mais la ferveur de l’esprit et le cri du cœur. Ne faisons point un bruit qui nous fasse remarquer, ni qui incommode nos frères ; mais prions modestement, avec un cœur brisé, devant Dieu, et des larmes répandues en sa présence. Que si vous me dites que vous ne pouvez retenir vos cris dans la douleur dont vous êtes saisi ; Je vous réponds que rien n’est plus propre à ceux qui sont touchés de douleur que de prier de la manière que je viens de dire. Moïse, percé de douleur, priait en silence, et Dieu entendit le cri de son cœur, lorsqu’il lui dit : « Pourquoi criez-vous vers moi ? » (Ex. 20,13) Anne, mère de Samuel (1Sa. 1,12), pria de même sans qu’on entendît sa voix ; et il obtint de Dieu tout ce qu’elle voulait, parce que son cœur criait vers lui. Abel aussi criait devant Dieu, non seulement dans son silence, mais même étant mort (Gen. 4,13), et sou sang élevait au ciel une voix plus puissante et plus forte que le bruit des trompettes. Criez vous-même comme ces saints et je ne vous en empêcherai pas. « Déchirez votre cœur », comme