Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

après ces préceptes de Jésus-Christ, non seulement ne pardonnent point à leurs ennemis, mais osent même prier Dieu de les en venger, et qui ne craignent pas de combattre sa loi sainte, et ce soin qu’il nous témoigne en tant de manières de prévenir toutes nos divisions, et tout ce qui peut mettre dans nos esprits quelque semence d’aversion ou de haine. Comme il sait que la charité est la racine de tous les biens, il veut retrancher de nous tout ce qui pourrait l’altérer en quelque manière, afin que nous demeurions parfaitement unis, en nous réunissant tous ensemble, comme membres d’un même corps. Car il n’y a personne, non, je le dis encore une fois, il n’y a personne sur la terre, sans excepter père, mère, ou quelque autre ami que ce soit, qui nous aime autant que Dieu nous a aimés. Il n’en faut point d’autre preuve que les grâces qu’il nous fait tous les jours, et les commandements qu’il nous prescrit.
Que s’il vous semble que es maladies, les misères publiques, et les autres maux dont Dieu nous afflige dans cette vie, ne s’accordent pas avec cette affection si tendre qu’il a pour nous ; considérez combien vous l’offensez fous les jours, et vous ne vous étonnerez plus, quand vous en souffririez encore davantage. Vous serez surpris, au contraire, lorsque vous recevrez quelque bien. Mais pour nous, nous nous arrêtons à considérer les différents maux que nous souffrons, et nous ne considérons jamais cette multitude de fautes que nous commettons de jour en jour. De là vient que nous tombons dans la tristesse, et que nous nous abattons aisément.
Que si nous voulions compter exactement, seulement durant un jour, les péchés que nous commettons, nous reconnaîtrions aussitôt que nous mériterions de souffrir encore beaucoup plus que nous ne souffrons. Je ne m’arrêterai pas aux péchés que chacun de vous peut avoir jusqu’ici commis ; je ne veux que vous représenter ceux de ce jour. Je ne sais pas en détail tout ce qui se passe chez, vous, cependant le nombre de nos fautes est si grand, que ceux qui ne les peuvent toutes comprendre, peuvent au moins en connaître une partie par ce que je vais vous dire. Car qui de nous n’a pas été négligent dans ses prières ? qui n’a point eu de vanité ? qui ne s’est point enorgueilli ? qui n’a point médit de son frère ? qui n’a point eu de mauvais désir ? qui n’a point jeté un regard trop libre ? qui n’a point senti quelque émotion et quelque trouble en se souvenant de son ennemi.
Si jusque dans l’église et durant si peu de temps, nous nous sommes rendus coupables de tant de maux, que deviendrons-nous quand nous en serons sortis ? Si nous ressentons tant d’orages dans le port, lorsque nous rentrerons au milieu de la mer, je veux dire au milieu du monde et des affaires de ce siècle, comment pourrons-nous nous reconnaître nous-mêmes ? Cependant Dieu nous a donné un moyen bien court et bien facile pour nous délivrer de ce poids effroyable de tant de péchés. Car quelle peine, y a-t-il de pardonner à celui qui vous a offensé ? Il y a de la peine à nourrir de l’aversion dans son cœur, mais il n’y en a point à pardonner. Car en étouffant notre colère, nous assurons la paix de notre âme, et notre volonté seule suffit pour cela. Il ne faut ni passer les mers, ni faire de longs voyages, ni traverser les montagnes, ni dépenser notre bien, ni lasser notre corps. Il suffit de vouloir, et tout le mal que notre ennemi nous a fait est effacé.
8. Mais si, au lieu de lui pardonner, vous vous adressez à Dieu afin qu’il vous venge de lui, quelle espérance vous restera-t-il de votre salut, puisque tors même que vous devriez fléchir la colère de Dieu, vous l’irritez davantage, et qu’ayant l’apparence d’un suppliant, vous vous expliquez par des paroles qui seraient plus dignes d’une bête farouche que d’un homme, et qui sont comme autant de flèches mortelles que vous donnez au démon, afin qu’il s’en serve pour percer votre âme ? C’est pourquoi saint Paul, parlant de la prière, ne recommande rien tant que de pratiquer ce précepte : « Levez au ciel vos mains pures, » dit-il, « sans colère et sans dispute. » (1Thes. 2,5) Car si, lors même que vous avez besoin de miséricorde, bien loin d’étouffer votre colère, vous en nourrissez le ressentiment, quoi que ce soit alors vous mettre vous-même le poignard dans le sein : quand pourrez-vous prendre des sentiments plus doux, et quand rejetterez-vous de votre cœur cette humeur maligne qui vous empoisonne et qui vous tue ?
Que si vous ne comprenez pas encore la grandeur de ce péché, jugez-en par ce qui se passe parmi les hommes, et vous reconnaîtrez alors combien grand est l’outrage que vous osez faire à Dieu. Bien que vous ne soyez