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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/177

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qu’un homme, si quelqu’un venait vous demander pardon, et qu’apercevant son ennemi, lorsqu’il serait à vos pieds, il se levât et vous quittât tout à coup pour aller le tuer, n’est-il pas certain qu’il vous irriterait encore davantage par cette satisfaction si offensante ? Jugez par là de ce qui se passe entre Dieu et vous. Vous offrez à Dieu votre prière, vous vous abaissez devant lui, et après cela vous le quittez soudain, pour attaquer votre ennemi par des imprécations sanglantes. Ce n’est pas là prier Pieu, c’est le déshonorer. Vous invoquez contre celui qui vous a offensé Celui qui vous commande de lui pardonner, et vous le priez de faire le contraire de ce qu’il vous ordonne une vous suffit pas de violer la loi de Dieu ; mais pour augmenter votre supplice, vous le priez encore de la violer lui-même. Croyez-vous qu’il ait oublié ce qu’il ordonne ? Est-ce avec un homme que vous traitez, qui peut quelquefois manquer de mémoire, ou avec un Dieu qui sait tout, et qui veut qu’on garde ses lois très exactement ? Aussi est-il si éloigné de taire ce que vous lui demandez, qu’il ne peut souffrir seulement la demande que vous lui faites, qu’il vous a en horreur, et qu’il vous destine déjà au dernier supplice. Comment donc prétendez-vous obtenir de lui ce qu’il vous commande de fuir avec tant de soin ?

Cependant il y a des personnes si insensées, que non seulement elles prient Dieu contre leurs ennemis, mais encore contre les enfants de leurs ennemis, et que dans la fureur qui les possède, elles voudraient les dévorer si cela leur était possible ; ou plutôt elles les dévorent en effet. Et ne me dites point que vous n’avez point déchiré avec les dents la chair de ces personnes. Vous les avez déchirées encore plus cruellement par les désirs de votre cœur, lorsque vous avez conjuré Dieu de faire tomber sur elles toute sa colère, que vous avez souhaité qu’elles fussent damnées éternellement, et que toute leur famille pérît avec elles. Quelles plaies sont aussi cruelles ? quels traits sont aussi envenimés que ces désirs ?

Ce n’est pas là ce que Jésus-Christ vous a appris. Il ne vous a point enseigné à ensanglanter ainsi votre bouche. Vous êtes plus horrible aux yeux de Dieu par ces prières détestables, que vous ne le seriez aux yeux des hommes si vous aviez la bouche pleine du sang et de la chair de vos ennemis. Comment donnerez-vous en cet état le baiser de paix à vos frères ? Comment approcherez-vous, du sacrifice ? comment pourrez-vous boire le sang de Jésus-Christ ayant le cœur si plein de poison ? Quand vous dites : Mon Dieu, étendez, votre malédiction sur mon ennemi, renversez toute sa famille, qu’il périsse avec tout ce qui est à lui, et que vous lui souhaitez ainsi mille morts, en quoi Êtes-vous différent d’un assassin et d’un meurtrier, ou plutôt des bêtes les plus farouches ?

9. Bannissons de nous, mes frères, cette fureur et cette manie. Témoignons envers ceux qui nous offensent la, douceur que Jésus-Christ nous commande, afin que nous soyons semblables à notre Père qui est dans les cieux. Nous le serons si nous rappelons en notre mémoire tous les péchés de notre vie, si nous examinons avec soin combien nous offensons Dieu, soit dans notre maison, soit dehors, soit dans les lieux publics ou dans les églises. Quand nous n’aurions point fait d’autre mal, la seule négligence que nous témoignons en ce lieu si saint suffirait pour nous rendre dignes du dernier supplice. Les prophètes font retentir ici leurs divins oracles ; tes apôtres nous prêchent, Dieu nous parle lui-même, et notre esprit cependant s’échappe et s’égare, et s’occupe des soins et des affaires du monde.

Nous n’écoutons pas dans l’église la loi de Dieu avec autant de silence et de retenue, que ceux qui assistent aux théâtres, en témoignent pour les édits de l’empereur. Les consuls alors, les sénateurs, les magistrats, et tout le peuple, se lèvent et se tiennent debout pour écouter ce qui se lit avec un profond respect. Si quelqu’un osait faire du bruit et élever sa voix dans ce grand silence, on punirait ce crime de mort, comme étant commis contre la majesté du prince. Et ici lorsqu’on lit publiquement les lettres que Dieu nous écrit du ciel, tout est en tumulte et on n’entend que du bruit de tous côtés. Cependant Celui qui nous écrit ces lettres est bien plus grand que l’empereur ; et cette assemblée où on les lit est bien plus auguste que celle de vos théâtres. Il n’y a que des hommes dans ces assemblées ; mais celle-ci, les anges s’y trouvent avec les hommes. De plus les prix qui sont promis par ces décrets du ciel à ceux qui seront vainqueurs, sont sans comparaison plus grands que ne sont toutes ces vaines récompenses d’ici-bas.

C’est pourquoi non seulement les hommes, mais les anges, les archanges, tous les chœurs