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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/185

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Christ avec amour et fidélité, afin que nous puissions enfin recouvrer la vue et voir la véritable lumière. Vous me demandez comment vous pourrez voir cette lumière. Je vous réponds que vous n’avez qu’à considérer comment vous l’avez perdue. Qu’est-ce qui vous a aveuglés, sinon cette passion criminelle dont nous parlons ? Car l’avarice est comme une humeur maligne qui, se répandant sur vos yeux, y forme un nuage obscur ; mais ce nuage peut aisément se dissiper si nous nous exposons aux rayons de la doctrine de Jésus-Christ, et si nous l’écoutons lorsqu’il nous dit : « Ne vous faites point de trésors sur la terre. »
Que me sert, me direz-vous peut-être, d’entendre ce que Jésus-Christ me dit, puisque je suis dominé par l’avarice ? Mais je vous réponds que si vous continuez à écouter la parole de Dieu, elle vous délivrera d’une passion si honteuse. Que si vous y demeurez toujours engagés, reconnaissez qu’il y a en vous quelque chose de plus qu’une simple passion. Car qui peut désirer d’être esclave, d’être assujetti à un tyran, d’être entouré de chaînes pesantes, de languir dans les ténèbres, d’avoir l’esprit toujours agité, de souffrir mille peines sans aucun fruit, de garder ses biens pour d’autres, et souvent même pour ses plus grands ennemis ? Qu’y a-t-il en cela qu’un homme puisse désirer et qu’il ne doive pas fuir au contraire avec aversion et avec horreur ? Peut-on désirer de mettre son trésor en un lieu exposé aux voleurs ? Si vous aimez votre argent, mettez-le en un lieu où il ne puisse être dérobé. Mais la conduite que vous tenez est telle qu’il semble que vous ne désiriez pas tant d’être riche que d’être esclave, que d’être misérable, que d’être toujours dans le chagrin et dans les ennuis. Si un homme vous offrait un lieu assuré pour y garder votre bien, vous n’hésiteriez pas, et vous le suivriez pour cela jusqu’au fond d’un désert. Dieu vous offre cette sûreté non dans un désert, mais dans le ciel, et vous ne voulez pas l’écouter. Quand vos trésors seraient ici-bas dans une entière sûreté, vous ne pourriez néanmoins vous empêcher d’en avoir de l’inquiétude. Vous pourriez bien ne les perdre pas, mais vous ne pourriez pas ne point craindre de les perdre. Mais que craignez-vous quand Dieu vous assure ? non seulement votre or sera en sûreté, mais il profitera même et il se multipliera entre ses mains. Le même argent vous devient en même temps un trésor et une semence. Vous y trouverez même quelque chose de plus que ce que je dis. Car la semence ne demeure plus à celui qui l’a semée ; au lieu que votre trésor vous demeurera toujours. Et le trésor ne produit rien dans la terre et ne germe pas, au lieu que celui-ci produit des fruits qui ne périront jamais.
6. Que si vous m’alléguez la longueur du temps, et si vous vous plaignez du délai de la récompense que vous en devez recevoir, je pourrais par avance vous faire voir quels sont les biens que vous recevez dès ce monde. Mais sans m’arrêter à cela, je tâcherai de vous convaincre, par l’état même de cette vie, de la fausseté de ce prétexte dont vous vous couvrez. Car combien préparez-vous de choses en ce monde dont vous ne jouirez jamais ? Si quelqu’un vous accusait en cela d’être peu sage, ne lui répondriez-vous pas que vous vous croyez trop bien payé de vos travaux en pensant que vos enfants et les enfants de vos enfants en pourront jouir ? Car, lorsque dans la vieillesse la plus avancée vous bâtissez ces maisons magnifiques que votre mort souvent vous empêche d’achever, lorsque vous faites ces plantations d’arbres qui ne porteront du fruit que longtemps après votre mort, lorsque vous achetez des terres et des fonds dont vous ne devez avoir la propriété que plusieurs années après, lorsqu’enfin vous faites tant d’autres choses dont vous ne recevrez aucun fruit, croyez-vous les faire pour vous ou pour ceux qui vous survivront ? N’est-ce donc pas une extrême folie de ne compter pour rien en ces sortes de choses la longueur du temps, lors même qu’elle est cause que tous nos travaux périssent pour nous, et de nous décourager ici d’un petit délai qui sert même à augmenter et à nous assurer notre gain, sans qu’il puisse passer à d’autres, et dont nous devons jouir pour jamais ?
Considérez d’ailleurs que ce retard n’est pas long. Le jugement de Dieu est à notre porte, et nous ne savons pas si ce ne sera point de notre temps que le monde sera détruit, et que viendra ce grand jour où nous verrons Jésus-Christ assis sur ce tribunal si sévère et si redoutable. Nous en avons déjà vu beaucoup de signes : l’Évangile a été prêché presque par tout l’univers ; les guerres, les tremblements de terre, les famines sont arrivées, et ce jour terrible ne peut pas être fort éloigné.