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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/195

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ineffables de l’autre monde, vous vous consumez dans les vains désirs des choses qui passent. Pourquoi donc, me direz-vous, Jésus-Christ nous commande-t-il de lui demander notre pain ? – Oui, Jésus-Christ nous commande cela, mais en ajoutant « notre pain de chaque « jour ; » et en marquent expressément, donnez – nous « aujourd’hui. » Il fait ici la même chose : « C’est pourquoi ne vous mettez point en peine pour le lendemain ; car le lendemain se mettra en peine pour soi-même. A chaque jour suffit son mal (34). » Il ne dit pas généralement : « Ne vous mettez point en peine ;» mais il ajoute, « pour le lendemain ; » nous donnant par ces paroles la liberté de lui demander les besoins du jour présent et bornant en même temps tous nos désirs aux choses les plus nécessaires. Car Dieu nous commande de lui demander ces choses, non parce qu’il a besoin que nous l’en avertissions dans nos prières, mais pour nous apprendre que ce n’est que par son, secours que nous faisons tout ce que nous faisons de bien, pour nous lier et comme pour nous familiariser avec lui par cette obligation continuelle de lui demander tous nos besoins. Remarquez-vous comment il leur donne la confiance qu’il ne les laissera pas manquer des choses nécessaires, et que Celui qui leur donne si libéralement les plus grandes choses, ne leur refusera pas les plus petites ? Car je ne vous commande pas, leur dit-il, de ne vous mettre en peine de rien, afin que vous deveniez misérables et que vous n’ayez pas de quoi couvrir votre nudité, mais c’est afin que vous soyez dans l’abondance de toutes choses. Rien sans doute n’était plus propre à lui concilier les esprits que cette promesse. Ainsi comme en les exhortant à ne point rechercher une vaine gloire dans leurs aumônes, il les y porte en leur promettant une autre gloire plus grande et plus solide : « Votre Père », dit-il, « qui voit en secret, vous en rendra la récompense devant tout le monde ; » de même il les éloigne du soin des choses présentes, en leur promettant qu’il satisfera d’autant plus à tous leurs besoins, qu’ils se mettront moins en peine de les rechercher. Je vous défends, leur dit-il, de vous inquiéter, de ces choses, non afin qu’elles vous manquent ; mais au contraire afin que rien ne vous manque. Je veux que vous receviez toutes choses d’une manière digne de vous et qui vous soit véritablement avantageuse. Je ne veux pas qu’en vous bourrelant vous-mêmes d’inquiétude, en vous laissant déchirer à mille soucis, vous vous rendiez indignes des secours du corps aussi bien que de ceux de l’âme, et qu’après avoir été misérables en cette vie, vous perdiez encore la félicité de l’autre.
4. « Ne vous mettez donc point en peine pour le lendemain. Car à chaque jour suffit son mal ; » c’est-à-dire son affliction et sa misère. Hélas ! ne vous suffit-il pas de manger « votre pain à la sueur de votre visage ? » Pourquoi chercher dans l’inquiétude encore un nouveau tourment, vous qui devez même être affranchi de Celui-là ? Ce mot de « mal », ne signifie donc pas malice ou malignité ; Dieu nous garde de cette pensée ! mais il signifie le travail, les afflictions et les misères. Nous voyons encore d’autres endroits dans l’Écriture où ce mot de « mal », se prend en ce même sens : « Il n’y a point de mal dans la ville que le Seigneur n’ait fait. » (Amo. 3,6) Ce que le Prophète n’entend point de l’avarice ou des rapines, ou des autres vices semblables ; mais des plaies dont Dieu avait frappé les habitants : « C’est moi », dit-il encore, « qui fais la paix, « et qui crée le mal (Is. 45,7) ; » ce qui ne veut pas dire les crimes, mais la peste, la guerre, et la famine, et d’autres choses semblables, qui passent pour de véritables maux, dans l’esprit de la plupart des hommes, (1Sa. 6,9) C’est du reste ainsi qu’on les appelle ordinairement, par exemple, les prêtres et les devins de ces cinq villes, qui attelèrent à l’arche des vaches qu’ils séparèrent de leurs veaux, et qu’ils laissèrent aller seules, appelaient « mal » les plaies dont Dieu les avait frappés, et la douleur qu’ils en ressentaient. C’est donc en ce sens qu’il faut prendre ces paroles : « À chaque jour suffit son mal ; » parce qu’en effet il n’y a rien qui tourmente plus une âme, que le soin et l’inquiétude. C’est pourquoi saint Paul, exhortant les hommes à l’amour du célibat, leur dit : « Je voudrais vous voir dégagés de soins et d’inquiétudes. » (1Cor. 7,32) Lorsque Jésus-Christ dit : « Le lendemain se mettra en peine pour « soi-même », il ne marque pas que ce jour du lendemain soit capable en effet de quelque inquiétude ; mais comme il parlait à un peuple grossier, et qu’il voulait lui rendre sensible ce qu’il lui disait, il personnifie ce temps