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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/196

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et ce jour, et en parlant aux hommes, il se sert d’un langage ordinaire aux hommes. Et remarquez, mes frères, qu’il ne dit tout ceci que comme un conseil qu’il donne. Nous verrons dans la suite qu’il en fera un commandement absolu : « N’ayez », dira-t-il, « ni or, ni argent, ni bourse dans le chemin. » (Mt. 10,9) Il ne faisait du reste que prescrire ce qu’il pratiquait lui-même : une loi déjà promulguée par les actions pouvait s’accentuer plus hardiment par les paroles ; la parole ne pouvait qu’être bien venue puisque les actions lui avaient aplani la voie. – Mais où donc ce précepte nous a-t-il été donné en action ? – Écoutez cette parole : « Le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête. » (Mt. 18,20) Mais non content de ce qu’il a fait lui-même, il a retracé encore dans ses disciples cette même forme de vie, et il leur a fait pratiquer une pauvreté semblable, sans les laisser manquer de rien.
Remarquez, je vous prie, combien sa providence surpasse la tendresse de tous les pères. Je ne vous commande cela, leur dit-il, que pour vous délivrer d’un soin superflu. En effet, quand vous auriez aujourd’hui de l’inquiétude pour demain, vous ne laisseriez pas demain d’en avoir encore de même. Pourquoi donc vous tourmentez-vous inutilement ? pourquoi forcer le jour présent à supporter plus de peine qu’il ne lui en revient ? pourquoi, au faix qui lui est propre, ajouter encore le fardeau qui appartient au jour à venir, et cela sans pouvoir aucunement soulager celui-ci, ni rien gagner qu’un surcroît de peines superflues ? Car pour produire plus d’effet, il anime pour ainsi dire le temps, le jour, et il l’introduit comme un plaignant qui vient réclamer contre une injustice dont il est victime.
Et en effet, Dieu vous donne le jour présent pour faire ce que présentement vous devez faire Pourquoi donc l’accablez-vous encore du souci d’un autre jour ?n’est-il pas assez chargé de ses propres soins ? pourquoi lui en ajoutez-vous d’autres, et le surchargez-vous ?
Mes frères, c’est le Législateur suprême, c’est Celui qui nous jugera un jour, qui parle ainsi : reconnaissez donc quelle espérance il nous donne, et quel doit être le bonheur qu’il nous promet en l’autre vie, puisqu’il nous assure qu’il trouve lui-même celle-ci si misérable, que c’est tout ce que nous pouvons faire que d’endurer chaque jour la peine qui l’accompagne. Cependant après tant de promesses nous ne pouvons nous empêcher de nous inquiéter encore pour les besoins de cette misérable vie. Nous n’élevons jamais notre esprit au ciel. Nous renversons tout l’ordre des choses, et nous combattons doublement le précepte de Jésus-Christ. Ne cherchez point, nous dit-il, les choses présentes : et c’est de quoi nous nous occupons toujours. Cherchez, nous dit-il, les biens du ciel ; et c’est à quoi nous ne nous appliquons jamais. Nous n’y pouvons pas penser même durant une heure ; et autant nous témoignons d’empressement pour ce monde, autant et plus encore témoignons-nous de froideur pour l’autre. Mais cette indifférence et cette ingratitude envers Dieu ne demeurera pas toujours impunie. Nous pouvons bien le négliger durant quelques mois et quelques années ; mais tôt ou tard il faut enfin que nous tombions entre ses mains, et que nous paraissions devant ce tribunal si terrible.
Mais ce délai nous console, direz-vous. – Quelle est cette consolation d’attendre chaque jour l’heure du supplice ? Si vous voulez que ce temps que Dieu vous donne vous soit un sujet de consolation, servez-vous-en pour vous corriger par une sérieuse pénitence. Si vous regardez comme un bien le retard du châtiment, que sera-ce de l’éviter ?
Usons donc de ce temps que Dieu nous donne, pour nous délivrer entièrement des maux à venir. Jésus-Christ ne nous a rien commandé d’onéreux ni de pénible. Tous ses préceptes au contraire sont si faciles, que pour peu que nous y apportions de bonne volonté, nous pouvons les accomplir tous, si grands pécheurs que nous ayons été.
Manassès avait commis des crimes sans nombre, puisqu’il avait porté ses mains cruelles sur les saints ; qu’il avait introduit dans le temple du Seigneur l’abomination des idoles ; qu’il avait rempli la ville de carnage, et commis mille autres excès qui paraissaient le rendre indigne de toute miséricorde. Cependant, après tant de crimes, il trouva un moyen de se purifier entièrement. Quel moyen ? Ce fut, mes frères, sa pénitence et la contrition de son cœur.
5. Car il n’y a point, non, il n’y a point de péché qui ne, cède à la force de la pénitence, ou plutôt à la force de la grâce de Jésus-Christ. Aussitôt que nous nous convertissons, il devient lui-même notre force, et notre coopérateur