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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/214

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Lorsque la prédication de l’Évangile ne faisait alors que commencer, comme il fallait beaucoup de miracles pour l’appuyer, Dieu faisait ces grâces à des hommes qui en étaient très indignes. Mais elles ne leur ont servi qu’à les rendre plus criminels, et à les faire encore punir davantage. C’est pourquoi il leur dit cette parole redoutable : « Je ne vous ai jamais connus. » Car il y a bien des personnes qu’il hait même dès cette vie, et qu’il a en horreur avant même qu’il les juge. Tremblons donc, mes chers frères ! et veillons avec soin sur notre vie, et ne nous croyons pas moins heureux, parce que nous ne faisons point de miracles. Comme ils ne nous serviront de rien alors si nous avons mal vécu ; si nous vivons bien au contraire, nous ne serons pas moins récompensés de Dieu pour n’en avoir pas fait. Nous ne sommes point redevables à Dieu pour n’avoir point fait d’actions extraordinaires et miraculeuses : mais Dieu lui-même sera notre débiteur pour les bonnes actions que nous aurons faites.
Après donc que Jésus-Christ a complété son enseignement sur la morale, qu’il a parlé de la vertu en descendant aux plus petits détails, et qu’il a fait voir que les hypocrites contrefont la vertu en diverses manières, les uns en priant et jeûnant par vanité ; les autres en n’ayant que l’apparence – et la peau de brebis ; les autres, qu’il appelle « chiens » et « pourceaux », en ruinant autant qu’ils peuvent la vérité ; pour montrer ensuite quel avantage nous retirons dès ce monde de la bonne vie, et quel désavantage nous recevons de la mauvaise, il ajoute : « Ainsi quiconque entend ces paroles que je vous dis, et les pratique, est semblable à un homme sage, qui a bâti sa maison sur la pierre. » Ceux qui ne pratiquent pas mes instructions ne laisseront pas, quand ils feraient des miracles, de tomber dans le malheur que vous venez d’entendre ; mais ceux qui les pratiqueront jouiront des biens que je leur ai promis, non seulement en l’autre monde, mais encore en celui-ci : « Quiconque », dit-il, « entend ces paroles que je vous dis, et les pratique, est semblable à un homme sage. » Considérez cette admirable sagesse avec laquelle il tempère et diversifie son discours. Tantôt il se découvre en disant : « Tous ceux qui me diront : Seigneur, Seigneur, », etc. Tantôt il se cache en disant « Celui qui fera la volonté de mon Père », Puis il fait voir qu’il est le souverain Juge en disant : « Je leur dirai hautement alors : Je ne « vous connais pas. » Et il déclare encore par ces dernières paroles qu’il a une souveraine puissance sur toutes choses : « Celui qui entend ces paroles que je dis. » Comme il ne leur avait encore promis que des biens futurs, leur faisant espérer un royaume éternel, une récompense infinie, et des consolations ineffables, il veut leur montrer encore ce qu’ils doivent attendre dès cette vie, et quel avantage ils y peuvent retirer de leur vertu. Quel est donc l’avantage de la vertu ? C’est de vivre dans la sécurité et sans rien craindre ; de ne pouvoir être abattu par tous les maux de cette vie, et de s’élever au-dessus de tous les événements fâcheux qui s’y peuvent rencontrer. Que peut-on trouver qui égale ce bonheur ? Les rois même, avec tout l’éclat de leur couronne, ne peuvent se le procurer. Il est uniquement réservé au juste. Lui seul lé possède surabondamment, et seul il jouit, dans ce flux et reflux perpétuel des affaires du monde présent, d’un calme, inaltérable. Car c’est ce qu’on ne peut assez admirer, qu’au milieu des tempêtes il conserve le calme dans son cœur, et qu’il jouisse d’une paix profonde parmi les troubles et les agitations de cette vie. « La pluie est tombée, les fleuves se sont débordés, les vents ont soufflé et sont venus fondre sur cette maison, et elle n’est point tombée parce qu’elle était fondée sur la pierre (25). » Jésus-Christ, par ces mots de « vents », de « fleuves » et de « pluie », marque ici les maux et les afflictions de ce monde, comme les calomnies et les médisances, les pièges qu’on tend aux bons, la douleur, la perte de nos proches, les insultes des étrangers, et les autres maux semblables, et il assure que l’âme du juste ne cède à aucune de ces épreuves, parce qu’elle est fondée sur la « pierre », entendant par cette « pierre » la fermeté et l’immobilité de sa parole. Car ses préceptes sont plus inébranlables qu’un rocher. Ils élèvent ceux qui les gardent au-dessus de tous les flots de ce monde. Celui qui leur obéit avec une fidélité inviolable demeurera inaccessible, non seulement à toutes les attaques des hommes, mais encore à tous les pièges des démons.
3. Et pour vous faire voir qu’il y a dans ces paroles tout autre chose qu’une déclaration pompeuse et vaine, je n’ai qu’à vous citer