Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/213

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pour ce mensonge même que le Sauveur les condamnera. Mais ce sens n’est point vrai, il est entièrement contraire à ce que Jésus-Christ veut prouver en cet endroit. Car son dessein est de faire voir que la foi n’est rien sans les œuvres. Enchérissant donc sur ce qu’il vient de dire, il ajoute les miracles à la foi, et il déclare que la foi avec tout l’éclat de ces miracles, serait encore inutile, si elle n’était soutenue par la piété et par la vertu. Si donc ces personnes n’avaient fait de véritables miracles, comment le raisonnement de Jésus-Christ subsisterait-il ? Est-il croyable d’ailleurs qu’ils eussent assez de hardiesse pour mentir devant un Juge si redoutable ?
De plus la manière dont il parle à Jésus-Christ, et dont il leur répond, fait voir qu’ils avaient fait véritablement ces miracles. Car, surpris de trouver dans l’autre vie toute autre chose que ce qu’ils avaient attendu, et, au lieu qu’ils étaient ici admirés de tout le monde, se voyant condamnés par le juste Juge, ils s’écrient avec étonnement : « Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en votre nom ? » Comment donc nous rejetez-vous maintenant ? comment l’arrêt que vous prononcez contre nous est-il si contraire à nos espérances et à nos pensées ? Mais si ces personnes s’étonnent de se voir punies après avoir fait des miracles, pour vous, mes frères, ne vous en étonnez pas. Toutes les grâces viennent de Dieu et de la bonté de Celui qui les donne. Ceux-ci en avaient été favorisés, sans y avoir en rien contribué de leur part. Il est donc bien juste qu’ils en soient punis alors, puisqu’ils auront été si ingrats envers Celui qui les avait honorés de tant de grâces, lorsqu’ils en étaient si indignes. « Et alors je leur dirai hautement : Je ne vous ai jamais connus ; retirez-vous de moi vous tous qui vivez dans l’iniquité (23). » Vous me direz peut-être : Comment des hommes qui vivaient si mat pouvaient-ils faire des miracles ? Quelques-uns répondent qu’ils ne vivaient pas mal lorsqu’ils faisaient des miracles, et qu’ils se sont corrompus ensuite, et sont tombés dans l’iniquité. Mais si cela était vrai, le raisonnement de Jésus-Christ ne subsisterait pas encore. Car son but est de montrer que ni la foi, ni les miracles ne sont rien sans la bonne vie, comme saint Paul disait : « Quand j’aurais une foi à transporter les montagnes : quand je pénétrerais tous les mystères, et que j’aurais une pleine connaissance des choses divines ; si je n’ai point la charité, je ne suis rien. » (1Cor. 13,2) Vous me demandez quelles sont donc ces personnes. Il y en a plusieurs. (Mc. 6,43) Plusieurs de ceux qui croyaient en Jésus-Christ avaient reçu ce don de faire des miracles, comme celui dont il est parlé dans l’Évangile, qui chassait les démons, et qui, néanmoins, ne suivait pas Jésus-Christ ; ou comme Judas, qui ne laissa pas, quelque corrompu qu’il fût dans l’âme, de recevoir, comme les autres apôtres, la puissance de faire des miracles,
2. On voit aussi dans l’Ancien Testament que des personnes indignes ont souvent reçu ces grâces pour le bien des autres. Et la raison de cette conduite de Dieu, mes frères, c’est que tous alors n’étaient pas parfaits en tout. Les uns excellaient par la pureté de leur vie, mais ils n’avaient pas une foi si vive ; les autres au contraire, étaient fermes dans la foi, mais ils étaient faibles dans la vertu. Jésus-Christ donc voulait exhorter les uns par les autres. Il voulait que ceux qui avaient plus de vertu et moins de foi, en voyant faire aux autres de si grands miracles, et que ceux qui les faisaient et avaient beaucoup de foi, fussent excités par ce don ineffable, à rendre leur vie plus pure et plus sainte. C’est pour cette raison qu’il leur communiquait si libéralement un si grand don : « Nous avons », disent-ils eux-mêmes, « fait beaucoup de miracles : mais je leur dirai hautement : Je ne vous ai jamais connus. » Ils croient maintenant être mes amis ; mais ils reconnaîtront alors que ces grâces que je leur donnais n’étaient pas un effet de mon amour.
Et vous vous étonnez, mes frères, que Jésus-Christ ait communiqué ces dons à des personnes qui croyaient en lui, mais dont la vie ne répondait pas à leur foi, lorsqu’il se trouve qu’il les a faits même à ceux qui n’avaient ni l’un ni l’autre ? Car Balaam n’avait ni la foi ni la pureté de la vie, et, néanmoins, il reçut ce don pour l’édification des autres. Pharaon, du temps de Joseph, n’avait aussi ni l’un ni l’autre, et néanmoins Dieu par des songes lui découvrit l’avenir. Nabuchodonosor était très-méchant, et Dieu lui fit savoir aussi ce qui devait arriver longtemps après. Dieu fit encore la même faveur au fils de ce roi, quoiqu’il fût plus méchant que son père, et lui découvrit plusieurs choses, pour exécuter les grands desseins de sa providence et de sa justice.