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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/216

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promesse des récompenses à venir et de ces consolations ineffables dont nous jouirons dans le ciel, mais encore par des avantages présents, comme par cette fermeté solide et cette constance inébranlable dont il a parlé ; de même encore il détourne du vice non seulement par les supplices futurs, en disant « que le mauvais arbre sera coupé et jeté au feu ; » et par ces paroles redoutables : « Je ne vous connais pas ; » mais encore par les malheurs présents qu’il exprime par cette ruine et ce renversement d’une maison. Ces comparaisons dont il se sert donnent à sa parole une grande puissance d’expression. Son discours n’aurait jamais eu tant de force s’il avait dit simplement que le juste sera ferme et inébranlable et que l’injuste sera ruiné, que lorsqu’il exprime ces mêmes vérités par les termes figurés de « pierre, de sable, de maisons, de fleuves, de vents et de pluie. Mais quiconque entend ces paroles que je vous dis et ne les pratique point, est semblable à un insensé qui a bâti sa maison sur le sable (26). » « La pluie est tombée, les fleuves se sont débordés, les vents ont soufflé et sont venus fondre sur cette maison, et elle est tombée, et la ruine en a été grande (27). » C’est avec grande raison, mes frères, que Jésus-Christ appelle « insensé », cet homme qui bâtit sur le sable. Car quelle plus grande folie que d’avoir toute la peine d’un bâtiment, pour ne retirer ensuite aucun fruit de ses travaux, loin de là, pour n’y trouver que son supplice I On sait assez ce que souffrent ceux qui s’abandonnent au péché. Combien un calomniateur, combien un adultère et combien un voleur souffre-t-il pour réussir dans ses détestables entreprises ? Cependant tous ces travaux, au lieu de leur être utiles, ne leur causent que des maux. C’est ce que saint Paul donne à entendre lorsqu’il dit : « Celui qui sème dans sa chair, recueillera de sa chair la corruption et la mort (Gal. 6,8). » A celui-là ressemblent bien ceux qui bâtissent sur le sable ; c’est-à-dire sur la fornication, sur la luxure et la débauche, sur la colère et sur les autres crimes semblables.
4. Achab était de ce nombre, mais Élie au contraire n’en était pas. J’oppose à dessein ces deux personnages l’un à l’autre, parce que nous verrons bien mieux la différence du vice, en le comparant avec la vertu. Car l’on peul dire avec vérité qu’Élie bâtit sur la pierre ferme et Achab sur le sablé. C’est pourquoi tout roi qu’il était, il tremblait devant ce prophète, qui n’était vêtu que d’une peau de brebis. Les Juifs aussi ont bâti sur le sable, et les apôtres sur la pierre ferme. C’est pourquoi ceux-ci, bien qu’en si petit nombre et chargés de fers, se montrèrent aussi immobiles que des rochers ; et les Juifs au contraire qui étaient si nombreux et qui avaient avec eux des gens armés, étaient plus faibles que le sable. Ils se voyaient forcés de céder à la fermeté des apôtres. C’est ce qui leur faisait dire en tremblant : « Que ferons-nous à – ces hommes-là ? » (Act. 4,46)
Admirez, mes frères, ce prodige. Voyez dans le trouble et l’agitation, non pas ceux que l’on a pris et que l’on a mis en prison, mais ceux qui les ont fait prendre, et qui les ont chargés de fers. Les Juifs ont enchaîné les apôtres ; et ils paraissent eux-mêmes accablés de chaînes. Mais ils souffraient la juste peine de leur folie, puisque n’ayant bâti que – sur le sable, ils devaient être les plus faibles de tous les hommes : « Que faites-vous », disaient-ils, « pourquoi voulez-vous attirer sur nous le sang de cet homme ? » (Act. 5,28) Quoi ! vous maltraitez les autres et vous craignez ? Vous persécutez, et vous avez peur ? Vous jugez, et vous tremblez ? Tant il y a de faiblesse dans la malice ! Mais les apôtres sont dans une disposition bien différente. Ils disent hautement : « Nous ne pouvons pas, nous autres, ne point dire ce que nous avons vu, et ce que nous avons entendu. » (Id. 4,20) Qui n’admirera cette grandeur de courage ? Qui n’admirera ces fermes rochers qui se moquent des flots et de la tempête, et cet édifice si solide qui résiste à toute la violence des vents ?
Ce qui m’étonne davantage, c’est que non seulement ils ne sont point ébranlés des maul dont on les menace, mais qu’ils en tirent au contraire une hardiesse et une vigueur toute nouvelle, et qu’ils jettent l’épouvante dans l’âme de leurs persécuteurs. Celui qui frappe sur un diamant se blesse au lieu de le rompre. Celui qui regimbe contre l’éperon se perce lui-même et reçoit des blessures dangereuses, et celui qui attaque les gens de bien, au lieu de leur nuire, se perd lui-même. Plus la malice attaque la vertu, plus elle découvre et augmente sa propre faiblesse. Et comme celui qui lie des charbons ardents dans ses habits brûle ses habits sans éteindre les charbons, de même ceux qui persécutent les saints, qui les emprisonnent et qui les chargent de chaînes, les rendent plus illustres et se perdent pour jamais. Plus vous souffrirez étant innocent et juste, plus vous deviendrez fort et courageux ; car plus nous nous appliquerons à la vertu, moins nous aurons besoin de tout le reste, et cette indépendance de toutes choses nous rendra invincibles, et nous élèvera au-dessus de tout.
Tel a été saint Jean-Baptiste. Rien n’était capable de l’étonner et il faisait trembler Hérode même. Il n’a rien, il est nu, et il s’élève contre un prince, et ce prince au contraire, orné de la pourpre et du diadème, est saisi de crainte devant un homme nu. Cette tête même qu’il a coupée, il ne peut la regarder sans épouvante. Le seul souvenir de Jean comme on le voit dans l’Évangile, troublait son esprit et le remplissait de crainte. « C’est là Jean que j’ai tué (Mt. 14,2) », dit-il. Ce n’est pas par vanité qu’il dit : « J’ai tué », mais pour se consoler et se rassurer en quelque sorte, en voyant revivre celui qu’il était effrayé d’avoir fait mourir, tant est grande la force de la vertu, qui rend les morts même redoutables aux vivants.
Lorsque le même saint Jean était encore en vie, on voyait des riches courir à lui de toutes parts, qui lui disaient : « Maître, que ferons-nous ? » Quoi ! vous avez tant de biens, et vous venez apprendre, de moi qui n’ai rien, le moyen de vous rendre heureux ? Vous voulez qu’étant pauvre, j’enseigne aux riches où est le véritable bonheur ; qu’un homme qui n’a pas où reposer sa tête instruise