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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/217

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ceux qui commandent les armées ?
Telle était aussi la générosité du prophète Élie dont saint Jean fit revivre l’esprit et le zèle. Il témoigna la même fermeté dans les reproches qu’il faisait à tout le peuple. Saint Jean les appelait : « Race de vipère », et Élie leur disait : « Jusqu’à quand clocherez-vous ainsi des deux côtés ? » (1R. 19) Élie disait hautement à Achab : « Vous avez tué et « vous avez possédé (1R. 18) », comme saint Jean disait à Hérode : « Il ne vous est pas permis d’avoir la femme de Philippe, votre « frère. » Considérez donc dans les uns la solidité de la pierre et dans les autres l’instabilité du sable. Admirez comme la malice est faible, comme elle cède aux moindres maux et comme elle tombe d’elle-même, quoiqu’elle soit soutenue de toute la puissance royale et d’une multitude d’hommes armés. Elle rend stupides et insensées les âmes qu’elle domine, et elle ne les précipite pas seulement, mais elle les brise dans leur chute, selon la parole du Fils de Dieu : « Et la ruine en a été grande. » Il ne s’agit pas ici, mes frères, d’un péril médiocre, il s’agit du salut de l’âme, du royaume de Dieu et de la perte de biens ineffables et éternels, ou plutôt il s’agit de commencer dès cette vie ces tourments qui ne finiront jamais, puisque la vie des méchants est une anticipation de l’enfer, par les passions, par les frayeurs, par les ennuis et par les inquiétudes qui leur déchirent sans cesse l’esprit et le cœur. Le Sage a exprimé cette vérité lorsqu’il a dit : « L’impie s’enfuit sans que personne le poursuive (Prov. 28,4) ; » car ces hommes tremblent toujours. Ils ont pour suspects amis et ennemis, domestiques et étrangers ; ceux qui les connaissent et qui ne les connaissent pas. Ils appréhendent leur ombre même, et ils anticipent suries tourments qui leur sont réservés, par les peines dont ils s’accablent dès cette vie. C’est ce que Jésus-Christ veut dire par cette parole : « La ruine en a été grande. »
Il ne pouvait mieux finir tant d’instructions si saintes que par ces paroles, par lesquelles il fait trembler ceux qui ne craignent pas assez l’avenir, et les détourne du vice par l’appréhension des maux mêmes de cette vie. Car si la considération des maux éternels est beau-coup plus grande en elle-même, la crainte néanmoins des maux présents agit plus puissamment sur les âmes basses et charnelles, pour les retirer de l’enchantement du vice. C’est pourquoi il finit son discours en frappant leur âme de la salutaire impression de cette crainte.
Puis donc, mes très chers frères, que nous n’ignorons rien des maux dont nous sommes menacés et en ce monde et en l’autre, fuyons le vice et embrassons la vertu, afin que nos travaux ne nous soient pas inutiles, et qu’après avoir rendu notre édifice ferme et solide, nous jouissions d’une profonde paix en cette vie, et de la gloire dans l’autre, où je prie Dieu de nous conduire, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.