Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’estime qu’il avait pour lui, il montre qui sont ceux qu’il exclut de ce royaume dont il le rend héritier. Il déclare nettement à tout le monde qu’à l’avenir ce ne serait plus la justice de la loi, mais la foi qui sauverait : que ce don serait offert non seulement aux Juifs, mais encore aux gentils ; et aux gentils même plus qu’aux Juifs : car ne croyez pas, leur dit-il que ce que je dis ici s’accomplisse seulement dans le centenier ; cela s’accomplira généralement dans toute la terre.
Ainsi il prédit la vocation des gentils, dont plusieurs l’avaient suivi de la Galilée, et il relève leurs esprits par les grandes espérances qu’il leur donne. Il relève d’un côté le courage de ces peuples, et il humilie de l’autre l’orgueil des Juifs. Néanmoins, pour ne les pas offenser par ses paroles, et pour ne leur point donner occasion de l’accuser et de médire de lui, il ne parle pas ouvertement des gentils dans son discours ; mais il prend occasion du centenier d’en parler comme en passant. Il ne prononce pas même le nom de gentils. Il ne dit pas : « plusieurs des gentils ; » mais « plusieurs de l’Orient et de l’Occident », ce qui marquait sans doute les Gentils, mais d’une manière obscure qui ne pouvait pas blesser ceux qui l’écoutaient. Il tempère encore ce langage si nouveau par un autre adoucissement, en s’exprimant plutôt par le mot de sein d’Abraham, que par celui du royaume : car ce dernier était peu connu des Juifs ; mais le seul nom d’Abraham était capable de faire une grande impression dans leurs esprits. Aussi saint Jean voulant étonner les Juifs, ne leur parle point d’abord de l’enfer, mais de ce qui les touchait davantage : « Ne dites point », leur dit-il, « nous avons Abraham pour père. » (Mt. 3,9)
Jésus-Christ voulait empêcher aussi qu’on ne le prît pour un ennemi de la loi, puisqu’on ne pouvait raisonnablement avoir ce soupçon d’un homme qui témoignait tant d’estime des patriarches, qu’il faisait consister la souveraine félicité à se reposer dans leur sein. Remarquez donc, je vous prie, mes frères, le double sujet que les Juifs ont ici de s’affliger, et le double sujet qu’ont les gentils de se réjouir : les uns parce qu’ils sont non seulement exclus d’un royaume, mais d’un royaume qui leur avait été promis ; et les autres, parce qu’ils sont appelés non seulement à des biens inestimables, mais encore à un bonheur qui ne leur avait point été promis, et qu’ils n’avaient jamais osé espérer. C’était encore un grand sujet de douleur aux Juifs de voir les gentils leur ravir l’héritage de leur père. Jésus-Christ les appelle « enfants du royaume », parce que le royaume, en effet, leur avait été préparé. Et c’est ce qui devait les toucher sensiblement, d’avoir reçu la promesse de reposer un jour dans le sein et dans l’héritage d’Abraham, et de s’en voir néanmoins exclus pour jamais. Et comme cette parole était une prophétie, pour en faire voir la vérité, il la confirme aussitôt par une guérison miraculeuse de ce serviteur malade.
5. « Et Jésus dit au centenier : Allez, et qu’il vous soit fait selon que vous avez cru : et son « serviteur fut guéri à la même heure (13). » Ainsi celui qui ne croirait pas que ce serviteur paralytique eût été guéri par une seule parole, en doit être persuadé aujourd’hui par l’accomplissement de cette prophétie, que le Sauveur joignit alors à ce miracle. Et avant même que cette prophétie s’accomplît, le miracle dont elle fut suivie en devait prouver la vérité à tout le monde. C’est pourquoi aussitôt qu’il l’a faite, il guérit ce serviteur malade, pour établir ainsi les choses futures par les présentes, et un moindre miracle par un plus grand : car il est aisé de comprendre que les bons seront un jour récompensés, et que les méchants seront punis li n’y a rien en cela que de conforme aux lois, et aux sens des hommes ; mais de raffermir un corps paralytique, et de rendre la vie et le mouvement à des membres morts, c’est un ouvrage qui est au-dessus de la nature.
Jésus-Christ nous témoigne aussi que le centenier ne contribua pas peu à ce grand miracle par la fermeté de sa foi : « Allez », dit-il, « qu’il vous soit fait selon que vous avez cru. » La guérison donc de ce serviteur fut en même temps une preuve, et de la toute-puissance de Jésus-Christ et de la grande foi du centenier, et de la vérité indubitable de la prophétie que le Sauveur venait de faire : ou plutôt ces trois choses ensemble publièrent hautement la souveraine puissance de Jésus-Christ, qui ne rendit pas seulement la santé du corps à ce malade, mais qui attira le centenier à la foi par la grandeur de ses miracles. Et remarquez, mes frères, non seulement la foi de ce centenier, et la guérison du serviteur, mais la manière prompte dont elle se fit. L’Évangéliste