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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/230

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le remarque en disant : « Et le serviteur fut guéri à l’heure même ; » ce qu’il avait aussi marqué à propos du lépreux : « Et il fut guéri aussitôt. » Il ne faisait pas seulement éclater sa puissance par ces guérisons miraculeuses ; mais encore par l’extrême promptitude avec laquelle il les faisait. Et sa bonté ne pouvant se contenter de ces grâces extérieures qu’il faisait aux hommes, il entremêlait encore à ses miracles ses divines instructions, par lesquelles il attirait tous les hommes à son royaume.
Lors même qu’il menaçait les Juifs de les en exclure, ce n’était pas pour les en exclure, en effet, mais bien plutôt pour les y attirer par la crainte de voir un jour s’exécuter cette menace. Que si leur dureté leur a rendu ce remède inutile, ils ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes, ainsi que tous ceux qui imitent encore aujourd’hui l’insensibilité de ce peuple. Car ce malheur dont Jésus-Christ parle n’est pas seulement arrivé aux Juifs ; les chrétiens y tombent encore tous les jours. Judas était « enfant du royaume », Jésus-Christ lui avait dit comme aux autres apôtres : « Vous serez assis sur douze sièges (Mt. 19) ; » et il ne laissa pas néanmoins de devenir « d’enfant du royaume enfant de la géhenne et de l’enfer. » Au contraire l’eunuque d’Éthiopie, dont il est parlé dans les Actes, quoique d’un pays barbare, et du nombre de ceux qui devaient venir de l’Orient et de l’Occident (Act. 8) », jouira éternellement des biens du ciel avec Abraham, Isaac et Jacob.
La même chose arrive encore tous les jours parmi les fidèles. « Plusieurs de ceux qui sont e les premiers », dit l’Évangile, « seront les derniers ; et ceux qui sont les derniers seront les premiers. » (Mt. 20,16) Jésus-Christ parlait de la sorte, afin que les uns ne se décourageassent point par le désespoir d’avoir part à ce royaume ; et que les autres ne se relâchassent point, pour être trop assurés de le posséder. C’est pourquoi saint Jean avait déjà dit avant lui : « Dieu peut de ces pierres susciter des enfants à Abraham. » Comme cette révolution terrible devait arriver certainement, Dieu voulut la faire prédire d’abord, afin que le monde n’en fût point surpris. Mais saint Jean étant homme, ne parle de cela que comme d’une chose qui pourrait bien arriver : « Dieu peut », dit-il. Jésus-Christ au contraire, étant Dieu, prédit clairement que cela arriverait, et le prouve ensuite par ses miracles. Donc, mes frères, ne soyons pas trop confiants, lors même que nous sommes debout, mais disons-nous à nous-mêmes : « Que celui qui se croit debout prenne garde qu’il ne tombe. » (1Cor. 10) Et si nous sommes tombés, ne désespérons pas de nous relever ; mais disons-nous : « Celui qui est tombé ne se relèvera-t-il pas ? » (Ps. 60,9) Nous savons que plusieurs, après s’être élevés jusqu’au ciel, après s’être enrichis de toutes sortes de vertus, après avoir passé la plus grande partie de leur vie dans les déserts, après avoir évité la vue des, femmes, sans que dans les songes même il s’en présentât à eux aucune image, n’ont pas laissé néanmoins de se perdre par leur négligence et de tomber, par leur trop grande assurance, dans l’abîme de tous les vices. D’autres, au contraire, d’une vie infâme et malheureuse, sont montés jusqu’au comble de la vertu. Ils ont passé du théâtre et de la comédie à une vie angélique ; et ils sont devenus si purs et si saints, qu’ils ont chassé les démons, et qu’ils ont fait de très grands miracles.
Toute l’Écriture est pleine de ces exemples, et nous ne voyons rien de plus ordinaire tous les jours devant nos yeux. Les adultères et les personnes débauchées peuvent aujourd’hui fermer la bouche aux manichéens, qui disent qu’on ne peut jamais guérir les plaies du péché ; qui lient les mains de ceux qui veulent se faire violence pour se corriger de leurs vices ; et qui se rendent les ministres du démon pour introduire un désordre et une confusion générale dans la vie des hommes. Ceux qui enseignent ces erreurs, non seulement nous ravissent les biens du ciel, mais ils troublent même autant qu’ils le peuvent tout l’ordre du monde. Car comment celui qui est dans le vice pourra-t-il penser à embrasser la vertu, s’il ne lui reste aucun moyen de quitter le mal pour faire le bien, et s’il croit qu’il lui est impossible de se convertir ? Si, maintenant qu’il y a tant de lois qui menacent les hommes du supplice ou qui leur promettent des récompenses ; que la foi nous fait craindre l’enfer et espérer le paradis ; que les méchants tombent dans l’opprobre et dans l’infamie, et que les bons au contraire sont loués et honorés, quelques-uns néanmoins ont tant de peine à entrer dans le sentier pénible de la vertu, et à mépriser le plaisir du vice ; si l’on