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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/236

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d’Isaïe : « Il a pris sur lui nos langueurs, et il s’est chargé de nos maladies. » (Is. 53,4) Il ne dit pas qu’il les a dissipées, ou qu’il les a guéries ; mais qu’il « les a prises sur lui, et qu’il s’en est chargé lui-même. » Ce que le Prophète a, selon moi, particulièrement entendu de nos péchés, et dans le même sens que saint Jean dit : « Voilà l’Agneau de Dieu, voilà Celui qui porte le péché du monde. » (Jn. 1,28)
2. Pourquoi donc, me direz-vous, l’Évangéliste applique-t-il cette même parole aux maladies du corps ? C’est ou parce qu’il a pris ce passage simplement à la lettre, ou plutôt parce qu’il a voulu nous marquer que la plupart des maladies corporelles, tirent leur source de celles des âmes. Car si la mort, qui est le dernier et le plus grand de tous les maux, ne vient que de cette racine, faut-il s’étonner si les autres en sortent aussi comme de leur tige ? « Mais Jésus voyant autour de lui une grande foule de peuple, ordonna à ses disciples, de passer à l’autre bord (18). » Vous voyez partout combien Jésus-Christ est éloigné de tirer vanité de ses miracles. Car les autres Évangélistes remarquent ici qu’il défendait au démon de dire qui il était, et saint Matthieu écrit qu’il renvoya le peuple ; ce qu’il faisait d’un côté pour nous donner un exemple d’humilité, nous avertissant de ne rien faire pour la vaine gloire ; et pour adoucir de l’autre l’envie que les Juifs avaient contre lui. Car il n’avait pas seulement soin de guérir les corps, et il en avait bien plus de sauver les âmes, et de les porter à la vertu. Il se révélait de deux manières, et en guérissant miraculeusement les maladies, et en ne faisant rien par le désir de la gloire. Il renvoie donc ce peuple qui s’attachait à sa personne par le lien de l’amour et de l’admiration, et qui ne souhaitait rien tant que de toujours jouir de sa vue et de sa présence. En effet, qui aurait pu quitter un homme qui faisait tant de miracles ? Qui n’aurait désiré de voir seulement ce visage, et de contempler cette bouche d’où sortaient des paroles si divines ? Car il n’était pas seulement admirable par les prodiges qu’il faisait, mais sa seule vue et sa seule présence répandait la joie et la grâce dans ceux qui le regardaient. C’est pourquoi le Prophète dit de lui : « Votre beauté surpasse la beauté « de tous les hommes. » (Ps. 44,3) Et ce que dit Isaïe : « Qu’il n’avait ni forme ni beauté (Is. 53,6) », ne se doit entendre qu’en comparant son humanité à la gloire ineffable de sa divinité ; ou en le considérant dans le moment de sa passion, où il fut déshonoré et défiguré d’une manière si horrible ; ou pour marquer l’état simple et pauvre dans lequel il a passé toute sa vie.
Jésus-Christ ne commande à ses disciples de passer à l’autre bord, qu’après qu’il a guéri tous ceux qui étaient là. Ils eussent eu trop de regret de le quitter, s’il n’eût satisfait à toutes leurs prières. C’est tout ce qu’ils peuvent faire après même qu’il a guéri leurs malades. Sur la montagne, ces gens n’étaient pas seulement, restés immobiles autour de lui pendant qu’il parlait, mais encore ils l’avaient suivi lorsqu’il eut cessé de parler ; de même ici ils demeurent encore auprès du Sauveur, alors qu’ils n’ont plus de miracles à voir ni à attendre, uniquement retenus par le bonheur de contempler sa face divine. Car si le visage de Moïse était tout brillant de gloire, et si celui de saint Étienne paraissait comme le visage d’un ange, quel a dû être le visage de Ce lui qui a été le Seigneur de l’un et de l’autre ?
Peut-être que quelques-uns de vous souhaiteraient de voir le Sauveur tel qu’il était alors. Mais si nous le voulons, mes frères, nous verrons cette divine face dans un éclat sans comparaison plus grand. Si nous vivons ici-bas comme nous devons, nous verrons ce même Sauveur au milieu des airs, nous irons au-devant de lui pour le recevoir sur les nuées, revêtus d’un corps immortel et incorruptible.
Mais considérez, je vous prie, qu’il ne renvoie pas simplement ce peuple, ce qui aurait pu lui faire de la peine. Il ne dit pas : retirez-vous, allez-vous-en, mais il donne seulement à ses disciples l’ordre de passer sur l’autre bord, laissant espérer à la foule qu’elle le retrouverait là.
Mais pendant que ces multitudes témoignaient tant d’affection, et un si grand zèle pour Jésus-Christ, un homme possédé de l’amour de l’argent et du désir de la gloire s’approcha de lui, et lui dit : « Maître, je vous suivrai en quelque lieu que vous alliez (19). » Remarquez l’orgueil de cet homme. Il dédaigne d’être du commun du peuple, et il s’approche de Jésus-Christ à part, comme un personnage d’importance et qui ne vent pas être confondu avec la foule. On reconnaît bien là le caractère juif, plein de liberté et de hardiesse.