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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/245

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ne sont plus maîtresses de sortir, et où elles attendent le jour terrible du jugement. « Or il y avait au-delà, un peu plus loin, un grand troupeau de pourceaux qui paissaient (30). Et les démons lui disaient en le suppliant : Si vous nous chassez d’ici, permettez-nous d’aller en ce troupeau de pourceaux (31). Et il leur répondit : Allez, et étant sortis ils entrèrent dans les pourceaux ; et voilà que tous ces pourceaux coururent avec violence se précipiter dans la mer, et moururent dans les eaux (32). » Si quelqu’un veut savoir pourquoi les démons firent cette demande à Jésus-Christ, et pourquoi le Sauveur la leur accorda, je lui réponds que ce n’était point pour se rendre à leur prière ni pour leur faire une grâce ; mais pour nous apprendre plusieurs choses très importantes. Il voulait en premier lieu faire comprendre à ceux qu’il délivrait combien funeste et violente était la domination de ces tyrans sans cesse occupés à tendre des pièges, aux hommes. Il voulait en second lieu nous assurer que les démons n’osent pas même entrer dans des pourceaux, s’ils n’en reçoivent de Dieu la permission. Il voulait encore nous faire voir que s’il n’eût retenu la malice des démons, et si sa providence n’eût arrêté leur fureur, ils auraient encore fait plus de mal aux hommes qu’ils n’en firent aux pourceaux.
Car il est certain qu’ils ont pour nous une haine bien plus grande que contre les bêtes.
Si donc ils n’épargnèrent pas les pourceaux, et s’ils les précipitèrent dans la mer aussitôt qu’ils en eurent reçu le pouvoir ; que n’eussent-ils point fait à ces possédés qu’ils emmenaient et égaraient dans les solitudes, si Dieu n’eût mis des bornes à leur rage ?
Cet exemple nous fait voir qu’il n’y a personne sur qui la providence de Dieu ne veille.
Si nous n’en ressentons pas tous également les mêmes preuves, c’est par un autre grand effet de cette même providence, qui ne se découvre à chacun de nous qu’autant qu’il lui est nécessaire. Nous apprenons encore par cette histoire que Dieu ne veille pas seulement en général sur tous les hommes, mais sur chacun d’eux en particulier. Jésus-Christ sans doute le déclare expressément à-ses disciples lorsqu’il leur dit : « Tous les cheveux de votre tête ont été comptés (Mt. 10,30) », mais nous en voyons une preuve bien claire dans l’exemple de ces possédés, que les démons auraient fait mourir, si Dieu n’eût veillé à leur conservation. Outre ces raisons, on peut encore dire que Jésus-Christ voulait donner aux habitants du pays une idée de sa puissance : « Ce que voyant ceux qui les gardaient, ils s’enfuirent, et, étant venus-à la ville, ils donnèrent avis de tout, et de ce qui était arrivé aux possédés (33). Et aussitôt toute la ville sortit pour aller au-devant de Jésus ; et, l’ayant vu ils le supplièrent de se retirer de leur pays (34). » Lorsque sa réputation était répandue en quelque endroit, Jésus ne s’y montrait plus que rarement et n’y faisait plus guère de miracles ; mais lorsqu’il était inconnu dans quelque ville et qu’on n’y parlait point de lui, c’est alors qu’il se signalait par ses prodiges, afin d’attirer ainsi le peuple à la connaissance de sa divinité.
Que les habitants de cette ville fussent des hommes stupides, on le devine aisément, puisqu’au lieu d’admirer et d’adorer Celui qui déployait une telle puissance, ils le renvoyèrent et le supplièrent de s’éloigner de leur contrée. Mais pourquoi les démons précipitèrent-ils les pourceaux dans lamer ? C’est parce qu’ils tâchent partout de jeter les hommes dans l’abattement, et qu’ils se réjouissent toujours de leur perte. C’est ce que le démon témoigna autrefois à l’égard du bienheureux Job. Dieu lui donna puissance sur son serviteur, non pour condescendre à son désir cruel et à son envie furieuse ; mais pour rendre ce saint athlète plus illustre et pour ôter à cet esprit de malice tout sujet d’excuse, en faisant retomber sur sa tête tous les maux dont ce juste aurait été affligé.
Nous voyons encore ici arriver le contraire de ce que les démons souhaitaient. Car la puissance de Jésus-Christ qu’ils s’efforçaient d’obscurcir, en parut avec plus d’éclat ; et la malice furieuse de ces esprits, dont Dieu délivra les possédés, inspira plus d’horreur à tout le monde. On remarqua en même temps leur faiblesse puisqu’ils n’avaient pas même la puissance de nuire à des pourceaux, si Dieu, le créateur de toutes choses, ne la leur donnait.
4. Si quelqu’un veut entendre cette histoire dans le sens anagogique, je ne m’y oppose pas. Il suffit qu’il reconnaisse que la vérité de l’histoire est telle que l’Évangile la rapporte. Or la leçon que nous donne ce passage ainsi entendu c’est que lorsque les hommes vivent en pourceaux, ils tombent aisément sous la puissance