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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/244

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châtiés de leurs crimes avant le temps destiné à leur supplice. Comme le Sauveur les surprenait au milieu de leurs coupables pratiques, exerçant leur malice à pervertir et à tourmenter ses créatures, ils crurent que cédant à l’indignation que lui causait leurs excès, il ne différerait pas davantage à les punir. C’est dans cette appréhension qu’ils conjurent le Fils de Dieu et qu’ils lui disent : « Êtes-vous venu « pour nous punir avant le temps ? » Ceux que les chaînes ne pouvaient arrêter, qui brisaient leurs fers, qui se tenaient sur les montagnes, en descendent enfin d’eux-mêmes et de leur propre mouvement, viennent trouver le Sauveur, enchaînés qu’ils sont par sa puissance ; ils empêchaient les autres de passer, et c’est maintenant Jésus-Christ qui leur ferme le passage, et ils s’arrêtent immobiles devant lui.
Mais d’où vient qu’ils se plaisaient tant dans les sépulcres ? Pour insinuer dans l’esprit des hommes quelque croyance funeste, par exemple pour leur persuader que les âmes des morts deviennent des démons. Ce que je prie Dieu, mes frères, de détourner à jamais de notre pensée. Mais si cela n’est ainsi, me dira quelqu’un, comment se fait-il qu’il y a des magiciens qui s’emparent de petits enfants, et qui les égorgent pour se faire de leurs âmes des auxiliaires dans leurs entreprises ? – Il se peut que des magiciens égorgent des enfants comme plusieurs personnes l’affirment ; mais d’où savez-vous que les âmes de ces enfants agissent ensuite de concert avec eux pour faire réussir leurs projets ?
Les démons eux-mêmes, me direz-vous, crient tous les jours : Je suis l’âme d’un tel. Mais cela n’est-il pas un piège qu’ils nous tendent, et un effet de leur tromperie ? Ce n’est point l’âme de cet homme mort qui parle de la sorte, c’est le démon qui feint de l’être, et qui tâche de nous séduire par cette imposture. Si l’âme pouvait passer dans la substance d’un démon, elle rentrerait encore bien plus aisément dans le corps même d’où elle est sortie. Quelle apparence y aurait-il d’ailleurs, qu’une âme outragée et déshonorée, voulût servir à celui même qui l’outrage, et l’aider dans ses desseins ? Et qui croira qu’un homme puisse faire qu’une substance spirituelle se transforme en une autre substance ? Si cela est impossible dans les corps ; et si le corps d’un homme ne se change point en celui d’une bête, combien [1] est-il moins croyable que son âme puisse se changer en la substance d’un démon ?
3. C’est pourquoi il faut mépriser ces discours, comme des contes de vieilles femmes ivres et comme des fables bonnes à faire peur aux enfants. Une fois qu’une âme est séparée de son corps, il ne lui est plus permis d’être dans ce monde. L’Écriture dit : « Que les âmes des justes sont dans la main de Dieu. » (Sag. 3,1) Si les âmes des justes sont dans la main de Dieu, il est hors de doute aussi que celle des enfants qui n’ont point péché y sont. Nous savons aussi que les âmes des pécheurs sont aussitôt après leur mort enlevées de ce monde, comme nous le voyons dans l’histoire du Lazare et du mauvais riche ; et Jésus-Christ dit en un autre endroit de son Évangile : « On vous redemandera votre âme. » (Lc. 12,20) Il est donc certain que dès qu’une âme est sortie de son corps, elle ne peut plus demeurer sur la terre. Et certes cela paraît bien raisonnable. Si lorsque nous voyageons en ce monde, revêtus de notre corps, sur une terre qui nous est cependant familière et connue, nous ne savons plus, pour peu que nous entrions dans une voie nouvelle, de quel côté dirige nos pas, et que nous avons besoin de quelqu’un qui nous guide ; comment une âme, arrachée de son corps, et tout à coup transportée dans des régions qu’elle ne connaît point, pourra-t-elle savoir de quel côté se tourner, sans quelqu’un qui lui montre le chemin ?
Il y a cent autres raisons qui font voir que lorsqu’une âme est sortie du corps, elle ne demeure plus sur la terre. Nous voyons que saint Étienne dit : « Recevez mon âme (Act. 7,50) ; » que saint Paul dit : « Je désire d’être avec Jésus-Christ (Phil. 1,23) ; » et qu’il est dit d’un ancien patriarche : « II fut mis au rang de ses pères, et mourut dans une « heureuse vieillesse. » (Genèse, 25,2) Que si vous voulez encore une autre preuve pour vous faire voir que les âmes de ceux qui sont morts ne demeurent point sur la terre, écoutez ce que dit le mauvais riche, et voyez ce qu’il demande sans pouvoir l’obtenir. Si les âmes avaient la liberté de demeurer sur la terre après leur mort, pourquoi ce mauvais riche ne serait-il pas venu lui-même avertir ses frères de ce qui se passe là-bas ? (Lc. 15,25) Ce seul endroit de l’Écriture suffit pour nous faire voir que les âmes, après leur mort, vont dans un lieu fixe et arrêté, d’où elles

  1. Voyez la note de la page 167 du tome 1er