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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/255

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dédaigna pas de manger à sa table. Il voulait par cette conduite si obligeante lui faire concevoir de grandes espérances pour l’avenir lui donner plus de confiance. Car Jésus n’attendit pas longtemps pour refermer les plaies de l’âme de son nouveau disciple, il le guérit en un moment de tous ses péchés.
Il veut bien même manger non avec lui seul, mais avec beaucoup d’autres de la même profession, quoique ce fût un crime aux yeux des Juifs que cette condescendance qu’il montrait pour les pécheurs en les laissant approcher de sa personne. Les Évangélistes n’oublient pas encore de marquer cette circonstance et de rapporter combien ces envieux condamnèrent cette action. Il était tout simple que les publicains vinssent s’asseoir à la table d’un homme de la même profession qu’eux. Saint Matthieu, ravi de joie de l’honneur que lui faisait Jésus-Christ, convia tous ses amis. La bonté du Sauveur tentait toutes sortes de voies pour sauver les hommes : les uns en leur parlant, les autres en guérissant leurs maladies, les autres en les reprenant, et les autres en mangeant avec eux. Il voulait nous apprendre qu’il n’y avait point ou de temps, ou de condition où nous ne puissions nous convertir.
Quoique tout ce qu’on lui servait à table vînt de rapine, d’injustice et d’avarice, il rie refusa pas néanmoins d’en manger, parce qu’il voyait l’avantage qu’il en devait retirer, et il ne craint pas de se trouver avec de si grands pécheurs dans la même maison et à la même table. C’est ainsi qu’un médecin se doit conduire. S’il ne souffre la pourriture et la puanteur de ses malades, il ne les délivrera point de leurs maux. Ainsi Jésus-Christ n’appréhende point le mal qu’on peut dire ou penser de lui, de ce qu’il mange avec un publicain dans la maison d’un publicain, et avec d’autres publicains. Vous savez aussi combien les Juifs lui en ont fait de reproches : « Voilà, » disent-ils, « un homme de bonne chère et qui aime à boire : c’est un ami des publicains et des gens de mauvaise vie. » (Mt. 11,13)
Que ces hypocrites qui désirent tant de se faire estimer par leurs jeûnes écoutent ces paroles. Qu’ils considèrent que Jésus-Christ n’a pas rougi de passer pour un homme qui aimait le vin et la bonne chère, et qu’il a méprisé tous ces propos pour arriver à la fin qu’il se proposait, la conversion des âmes. Et nous voyons comment il convertit en effet saint Matthieu, et comment d’un pécheur il fit un apôtre.
Pour mieux juger de l’avantage que saint Matthieu reçut de cette condescendance du Fils de Dieu, il ne faut que considérer ce que dit Zachée, un autre publicain. Aussitôt que Jésus-Christ lui dit : « Zachée, il faut que je loge chez vous (Lc. 19,5) », il fut transporté de joie ; et, dans cette ferveur, il dit à Jésus-Christ : « Je suis résolu, Seigneur, de donner moitié de mon bien aux pauvres ; et si j’ai trompé quelqu’un je lui rendrai quatre fois autant », ce qui porta Jésus-Christ à lui répondre : « Aujourd’hui le salut a été donné à cette maison. » Tant ce que nous venons de dire est véritable, qu’il n’y a point d’état où l’on, ne puisse se convertir ! Mais pourquoi donc, me direz-vous, saint Paul ordonne-t-il « de n’avoir point de commerce et de ne point manger avec celui de nos frères qui est fornicateur ; ou avare, ou idolâtre, ou médisant, ou ivrogne, ou ravisseur du bien d’autrui ? » (1Cor. 5,11) D’abord on ne voit pas très-bien si c’est aux pasteurs qu’il parle en cet endroit, ou seulement aux fidèles.
Ensuite ces publicains n’étaient pas encore du nombre des vrais fidèles, ils n’étaient pas encore frères. De plus saint Paul ne commande d’éviter nos frères que lorsqu’ils demeurent toujours dans le mal. Ces publicains au contraire étaient déjà convertis dans le cœur et avaient renoncé à leur vie passée. Mais comme rien ne pouvait ni servir aux pharisiens, ni les toucher, ils s’adressent ici aux disciples de Jésus-Christ et leur disent : «. Pourquoi notre Maître mange-t-il avec des publicains et des gens de mauvaise vie (11) ? » On voit ailleurs que lorsqu’ils croyaient avoir surpris les apôtres en quelque faute, ils viennent dire à Jésus-Christ : « Pourquoi vos disciples font-ils ce qu’il ne leur est pas permis de faire le jour du sabbat ? » au contraire ils blâment le Maître devant ses disciples. Ils montrent partout leur malice et ils s’efforcent de séparer les disciples d’avec leur Maître. Mais que leur répond cette sagesse infinie ? « Jésus les ayant entendus, leur dit : Ce ne sont pas les sains, mais les malades qui ont besoin de médecin (12). » Qui n’admirera comment il retourne leurs paroles, et s’en sert contre eux-mêmes ? Ils lui font un crime d’aller avec cette sorte de gens,