Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et il leur montre au contraire qu’il serait indigne de lui et de sa parfaite charité, d’avoir de la répugnance à converser avec les pécheurs et qu’essayer de les convertir est une chose non seulement irrépréhensible, mais de première importance, nécessaire et digne de toutes les louanges.
Ensuite, pour que cette parole : « ceux qui « sont malades », par laquelle il désignait ceux qui étaient assis à table avec lui, ne leur causât trop de honte, il la corrige et l’adoucit en y joignant une réprimande à l’adresse de ses censeurs : « C’est pourquoi », dit-il, « allez et apprenez ce que veut dire cette parole : « J’aime mieux la miséricorde que le sacrifice. » (Os. 6) Il leur cite ce passage du Prophète, pour leur faire voir dans quelle ignorance ils étaient des paroles de l’Écriture. Il anime même ici son discours un peu plus qu’à l’ordinaire, non par émotion ou par colère, Dieu nous garde de cette pensée ! mais pour tâcher de les émouvoir et de les instruire. Quoiqu’il eût pu leur dire : N’avez-vous pas vu de quelle manière j’ai guéri le paralytique, et comment j’ai affermi tout son corps ? il ne leur dit rien de semblable. Il leur répond d’abord par un raisonnement tout ordinaire et il s’appuie ensuite sur l’autorité de l’Écriture. Après avoir dit que le médecin n’était pas pour les sains, mais pour ceux qui se portaient mal, et insinué, par ces paroles, qu’il était l’unique et le véritable Médecin, il ajoute ensuite : « C’est pourquoi allez et apprenez ce que veut dire cette parole : J’aime mieux la miséricorde que le sacrifice.
Saint Paul agit de même : car après avoir débuté en disant : « Qui est celui qui paît un troupeau, et qui ne mange point du lait du troupeau ? (1Cor. 9,7) », il rapporte ensuite le témoignage de l’Écriture et dit : Il est écrit dans la loi de Moïse : Vous ne tiendrez point la bouche liée au bœuf qui foule le grain » (Id. 9) Et un peu après : « Le Seigneur a ordonné à ceux qui annoncent l’Évangile de vivre de l’Évangile. » (Id. 14)
3. Jésus-Christ traitait ses disciples d’une autre manière, et il leur rappelait à la mémoire les miracles qu’ils lui avaient vu faire, en leur disant : « Avez-vous oublié qu’avec cinq pains j’ai nourri cinq mille hommes, et combien de corbeilles vous remplîtes de ce qui restait ? » (Mc. 8) Mais il n’agit pas ici avec les Juifs de la même manière. Il se contente de les faire souvenir de la faiblesse commune, de tous les hommes, et de leur faire comprendre qu’étant hommes eux-mêmes, ils sont aussi du nombre des faibles, puisqu’ils n’avaient aucune connaissance des Écritures, ni aucun amour pour la vertu ; mais qu’ils réduisaient toute la piété à leurs oblations et leurs sacrifices. C’est cet abus que Jésus-Christ condamne hautement, en rapportant en peu de paroles ce que tous les Prophètes ont dit : « Apprenez ce que veut dire cette parole : « j’aime mieux la miséricorde que le sacrifice. » Il leur fait voir que ce sont eux qui violent la loi, et non pas lui. Il semble qu’il leur dise : pourquoi m’accusez-vous de ce que je fais rentrer les pécheurs dans la justice ? Si je suis coupable en cela, vous devez donc accuser aussi mon Père. Il se sert ici du même raisonnement dont il se servit ailleurs, lorsqu’il disait : « Mon Père, depuis le commencement du monde jusqu’aujourd’hui, ne cesse point d’agir ; et moi j’agis aussi avec lui. » (Jn. 5,47) Il fait ici la même chose, en disant : « Allez et apprenez ce que veut dire cette parole : j’aime mieux la miséricorde que le sacrifice. » Comme mon Père aime mieux l’un que l’autre, je l’aime mieux aussi moi-même.
Il déclare donc que leur sacrifice était superflu, et que la miséricorde est entièrement nécessaire. Car il ne dit pas : je veux la miséricorde et le sacrifice ; mais « je veux la miséricorde et non pas le sacrifice. » Il approuve l’un et rejette l’autre. Il montre que ce qu’ils blâmaient, non seulement était permis, mais même commandé, et bien plus formellement que le sacrifice ; ce qu’il confirme par un passage bien clair de l’Ancien Testament. Après donc les avoir convaincus et par des raisons communes, et par l’autorité de l’Écriture, il ajoute : « Car je ne suis pas venu appeler les justes à la pénitence, mais les pécheurs (13). » Lorsqu’il les appelle « justes » c’est par ironie, et comme il dit autrefois d’Adam : « Voilà qu’Adam est devenu comme l’un de nous. ».(Gen. 3,22) Et ailleurs : « Si j’ai faim je ne vous le dirai pas. » (Ps. 49,13) Saint Paul dit clairement que Dieu n’a trouvé personne qui fût juste sur la terre : « Tous ont péché », dit-il, « et ont besoin de la gloire de Dieu. » (Rom. 3,23) Jésus-Christ parlait donc de la sorte pour la consolation de ceux qui étaient à ce festin avec lui.